Wednesday, August 31, 2005

Apocalypse now


Katrina a frappe. La musique s'est tue a New-Orleans. Un homme refugie sur son toit apres le passage de l'ouragan a vu sa femme emportee par le vent devant lui, impuissant. Dix-huit pieds d'eau ont tout englouti, ont tout emporte. Il n'y a plus d'eau courante, plus d'electricite, plus de nourriture, plus d'essence. Plus rien ne fonctionne, il n'y a plus de rues. Que des rivieres grises.
Les secouristes ne s'arretent pas. Les pompiers non plus. Cela fait quatre jours qu'ils se donnent corps et ame. Ils tombent de faim et de fatigue. Des helicopteres repechent des miracules de la vie, d'autres survolent des kilometres et des kilometres. Il y a toujours une ame qui fera signe quelque part.
30.000 personnes se sont refugiees au grand stadium. Les toilettes ne fonctionnent pas. Il fait chaud (30 degres). Il pleut toujours. Ces 30.000 personnes sont encadrees par...200 personnes.
C'est la grande colere. On cherche les elus, les responsables de la ville mais ils sont injoignables. Des supermarches ont ete pilles, des maisons egalement.
A la tele, les images passent en boucle. C'est la destruction totale.
La Louisiane est un des Etats qui ont le plus grand nombre de raffineries de petrole. On predit l'augmentation du prix de l'essence, encore une fois.
Les autoroutes sont tombees. Les pensionnaires des prisons ont ete places dans des canots. Les animaux des zoos ont ete transportes vers d'autres Etats.
Les journalistes sont la, 24 heures/24. Ils pleurent en direct, tout comme les officiels. La star de la TV de Nez-Orleans vient de nous ecrire pour nous dire qu'elle va bien: "I'm ok. I just got out. It is chaos. My station is still on the air--doing wall to wall coverage out of our abc affiliate in baton rouge. too much craziness.will write more later.thanks for your concern,yunji"
Demain matin, les corps des morts commenceront a emerger.

Tuesday, August 30, 2005

Putcheros de California

Victoria Abril me murmure dans les oreilles "Agua de beber". J'aurais dû aller avec Monsef au Brésil...
Premier jour d'école. Retrouvailles superficielles avec beaucoup de gueules sans lesquelles j'ai très bien survécu cet été. Bon, trois phrases reviennent inévitablement. Garder le sourire à tout prix: "how was your summer?", "where were you again?" puis l'incontournable "good to see you!", même si la nana te sent pas à dix mille kilomètres. Enfin...
Moi, ceux que je suis heureuse de voir se comptent sur le bout des doigts, dont le magnifique Bob Calo, mon mentor en télévision, le légendaire Bill Drummond qui m'a saluée en arabe et le génie Kean Sakata, le Géo Trouvetout des studios. Quelques "camarades" intéressants ci et là. C'est tout. Rien à voir avec mes retrouvailles au Maroc, mais ça, c'est une autre histoire.
A 18h30, j'irai faire du kickboxing. Rien ne m'empêche d'aller à la gym tout de suite, si ce n'est la flemme, grandiose...et Victoria, qui susurre toujours. J'en frissonne.

Sunday, August 28, 2005

Solitudes

15h. Sur le Bay Bridge. Le soleil brille. Le ciel est bleu, comme mon âme. J'ai parcouru North Beach à la recherche de Marocains, mais j'ai vite baissé les bras. Je suis épuisée, mentalement et physiquement. Dans le bus, la joue collée à la vitre, je regarde les dizaines, les centaines de voiliers dispersés dans la baie. Il y a des catamarans. J'adore les catamarans. De gros bateaux de pêche se détachent du port de West Oakland. Je voudrais partir avec eux. Des ferries quittent le Pier 39 pour rejoindre Treasure Island. Des centaines de touristes armés d'appareils photographiques font le tour de l'île de la prison d'Alcatraz. Je voudrais dormir dans un voilier, les lunettes de soleil sur le nez, les cuisses à l'air.
19h. Face à la Main library. Le gazon est impeccable, une bande de jeunes tout aussi parfaits jouent au freesbee. Quatre autres bronzent au soleil. Dans une heure, je devrais être à l'Albatros Café à jouer aux jeux de société avec mes "camarades" d'école.
C'aurait pu être pire, yak?

Triangle, suite

Malak et Rachid sont rentrés hier d'Espagne. Malak m'a appelée. On a parlé très brièvement. Elle va un peu mieux, a l'air plus détendue mais elle redoutait ce retour plus que tout. Elle a essayé de ne pas perdre de vue Rachid et son téléphone. Ils ont passé du temps ensemble, ont lézardé au soleil, se sont embrassés en buvant des cocktails et ont dîné en amoureux presque tous les jours.
Rachid a foutu un peu de paix à son portable, roaming oblige. Mais il est allé au cyber quatre fois.

Friday, August 26, 2005

Sans titre

Ne me dis pas que c'est fini, je t'en supplie. Mes mains se tordent sur l'ourlet de mon jean alors que tu me déballes les mille et une raisons de la fin de la "chose". Car, qu'est ce que c'était, d'abord? Je n'ai plus envie de t'écouter, je n'ai plus envie de te voir, sur ce lit, par terre, seul "meuble" de ce maudit studio ou je viens d'emménager. J'étouffe, j'ai envie de m'évanouir, de crier. Je ne t'écoute plus. Je maudis le jour ou je suis allée a la bibliotheque avec toi, je maudis le jour ou je t'ai bien regardé. Je me maudis d'avoir pensé a toi, de t'avoir attendu. Je me gratte le cou, je défais et refais mon chignon. Je veux me planter l'épingle a chignon dans les entrailles. Je veux te frapper mais ton visage est porcelaine, je me couperais. Je veux vomir mais il n'y a rien a vomir, je n'ai rien mangé depuis deux jours, a part deux crevettes dans une soupe vietnamienne. Tu me prends le visage, je te repousse. Je me retourne, je m'enveloppe dans ma couette. "Je ne veux plus te voir, va-t-en, trou du c**". Je sens ta chaleur dans mon dos, tes mains sur mes épaules bronzées. Plus tu me dis combien tu m'adores, plus je pleure. Encore une chute dans ce pays de merde. Quand s'arrete-t-on de tomber? Ton odeur m'acheve, je devrais mordre dans quelque chose. Je me mords les bras pour m'étouffer. Tu me forces a te regarder et je ne t'en trouve que mille fois plus beau, meme si tu t'es coupé les cheveux. Ma vulnérabilité te touche. Je mérite mieux, tu me dis. Je me fous de ce que tu peux penser. Mais je suis trop faible pour etre en colere. Je suis juste anéantie. Anéantie par tout. Tu ne veux surtout pas me perdre. On doit rester amis, l'un pour l'autre. Moi, c'etait différent. Je suis ton antidote de la dépression. J'ai mes bras autour de toi. J'ai tes mains sur mes hanches, mon visage, mes cheveux. Je me demande comment tu peux etre partout a la fois. Je reve que tout ca n'est qu'un cauchemar. Mais non. On s'approche. On s'embrasse. C'est beau. Je revis. Je sais que je te suis unique. Je re-souris. On fume dehors. Je te raccompagne. Non, je ne te dirai jamais que je t'ai trompé, deux fois.

Thursday, August 25, 2005

Morning ping-pong

- "Oh, this is quotable!", said my friend K.
- "What? That living in the US is just like an eternal beginning?"
- "Yes, I never thought of it this way. But it's true that my summer abroad makes me feel the same way".
- Isn't it weird that I just spend two months in Morocco and I have to do it all again, just like a year ago: find a new house, buy all the furniture, get used to the neighborhood, the brands at the supermarket, the mailbox, the keys, the neighbors...?
- Yeah, indeed. I have to go through the same things myself.
- What stresses me is people. You have to go through the whole process again, after the "hey, whassup? Good to see you"
- Um, and all the fake "nice to see you" and all the fake hugs that I'm gonna give today. Argh.
- You don't have to if you don't want to! You can be polite without being hypocrite!
- No...It's hard. It's rude.
- No, it's not. Anyway, I will never understand you guys.

Tuesday, August 23, 2005

Montagnes russes

Lorsque Hatim a vu Ivanna pour la première fois, son coeur a chaviré. C'était sa première année aux USA et il avait commencé à travailler dans une petite pizzeria pas loin du centre-ville de Tampa. Ivanna y était serveuse. Elle était Ukrainienne, avec des yeux aussi verts que des coings domestiques et des cheveux longuissimes et blonds cuivrés. Hatim eu soudain honte d'être aussi brun et aussi poilu. Qu'importe. Les critères de beauté d'Ivanna semblait insondables. Elle-même sortait avec une grosse brute qui conduisait une grosse moto. Les jours passaient, Hatim se plaisait de plus en plus en Floride, commençait à connaître la clientèle et quelques Marocains. Un soir, Ivanna a été harcelée par deux gars. Hatim, promu au rang de manager, les a vite remis à leur place, avant de les jeter dehors. Ivanna était aux anges, à la vue d'un tel esprit chevaleresque. Hatim a poussé sa chahama jusqu'à la raccompagner chez elle, où elle l'a attiré à l'intérieur et a succombé à sa virilité arabo-amazighe. L'Ukrainienne a dû trouver des arguments convaincants chez notre compatriote puisqu'elle ne l'a plus quitté. Ils ont même commencé à fréquenter d'autres couples de Marocains vivant avec des Russes. Leur nombre est unbelievable. Il paraîtrait que nous avons beaucoup de points communs. J'ai croisé Hatim à l'aéroport de Casa dans la salle d'embarquement, le torse bombé d'orgueil. A ses côtés, Ivanna, les mains décorées de henné et le solitaire au doigt, ravie de son séjour au Maroc et adoptée par la famille de Hatim.

Sunday, August 21, 2005


L'Empire State Building, vu d'en bas

Retrouvailles

19h. Vendredi. Grand Central Station. Le bus vient de me déposer devant la station. Je tire mes deux valises avec peine. Je voudrais entrer au Starbucks mais il n'y a pas de tables, juste un bar. Il commence à pleuvoir et je me retiens de ne pas pleurer. Si il avait été là, il m'aurait regardée et m'aurait dit: "mmmh, aujourd'hui, tu n'es pas tigre, tu es juste oiseau". Je serre la mâchoire, sors un livre, scrute mon téléphone, minute par minute. Pourquoi être revenue? Les sept heures d'avion ont été interminables. Tous ces gosses qui crient...J'ai eu mille fois des envies de meurtre. Le mec assis à côté de moi, musclé, bronzé et mitraillé de gadgets dernier cri, n'attendait que de me montrer le dernier clip de Nancy Ajram sur son lecteur MP3-MPEG 10 pouces et 8 giga, n'a-t-il pas oublié de mentionner. Je me détournais pour regarder ma petite princesse africaine, Fattoumata, assise de l'autre côté du couloir. Elle n'a accepté de parler à personne à part moi, même pas aux hôtesses de l'air, pourtant adorables. Elle pleurait de temps en temps et me regardait avec les yeux les plus tristes du monde. Adieu la Guinée, retour à New-York qui l'a vue naître, retour au Bronx où elle vit. Sa famille de Guinée lui a fait cuire un poulet pour le voyage mais elle n'avait de babines que pour le yaourt marocain Moufid, goût fraise. Anna Saussmann me l'avait bien dit: "de mes souvenirs du Maroc, alors que je n'avais que 12 ans, c'est le goût du yaourt qui m'a le plus marquée".
Fattoumata renverse son Fanta. L'inspecteur Gadget à côté de moi me lance un "ça se voit que tu aimes les enfants". Les mots me manquent pour répondre à une phrase aussi recherchée. Je me replonge dans mon Fouad Laroui avant d'entendre "et ça se voit que tu aimes lire! Tu as déjà fini le premier livre!". Gadget man, retourne à Nancy, for God's sake...
J'ai le moral dans les talons. Je regarde les New-Yorkais courir dans la rue avec leurs parapluies. Je me sens comme dans une jungle, definitely oiseau today.
Je pense à Berkeley, à ce qui m'attend. Al jihad, disait l'autre...
Je me repasse le film du Maroc. C'était tellement sympa. Qu'est-ce qui me retient de retourner m'y installer dès l'année prochaine? Je sais: la peur de ne plus avoir le choix, de ne plus pouvoir revenir en arrière. La peur de regretter.
Je repense à Berkeley. Al jihad....
J'ai les larmes aux yeux. J'ai mal partout, j'ai les épaules ratatinées et j'ai tellement faim. Les deux heures d'attente au service d'immigration m'ont achevée. J'ai peur de laisser mes valises pour une minutes et de me retrouver encerclée par les policiers croyant à une bombe à Grand Central. Mon hôte arrive. J'ai du mal à sourire même si je suis soulagée de voir un "visage ami".
Plus tard, au restaurant du Hudson, je reprenais un peu de vie en me shootant aux raviolis aux champignons. Mon cerveau ne s'arrête pas une seconde. Cette ville, ce pays, ont besoin de gens forts à l'intérieur. Je doute de ma capacité à lutter dans cet environnement. Welcome back home, Najlae.

Friday, August 12, 2005


La fille des voisins, en tenue de travail...

Lolita

Encore une dispute avec ma bonne femme. Je commence à en avoir franchement marre de ce mariage. Depuis qu'on a eu notre second bébé, Miriam est devenue insupportable. Elle trouve toujours une raison pour gueuler et moi une raison de prendre la voiture et me casser à la Casa de Espana, le club du bout de la rue, pour prendre quelques bières avec des copains. De toute façon, c'est la seule distraction dans ce quartier. On dirait que la moyenne d'âge est de 88 ans. Jamais de gosses dans la rue, à jouer au foot, jamais de jeunes. Rien. Que des jardiniers qui fument en jouant aux dames.
Et les voisins, n'en parlons pas. Un ramassis de R'batis dégoulinant d'hypocrisie. Enfin bref. Aujourd'hui, Miriam a décidé de daller l'allée du jardin. La villa grouille de monde. Je vais au garage parler au chef de chantier. La porte de la villa d'en face s'ouvre. En sort une merveille de corps et de visage. 1,70 mètre, pas moins, de formes voluptueuses, des boucles miel jusqu'aux omoplates, des lèvres à la Angelina Jolie. Petite robe d'été fleurie et lunettes Ray Ban. Woaw. J'étais assomé. J'ai mis du temps à réaliser que c'était la petite mioche qui faisait de la bicyclette devant la maison il y a encore quelques années. Quelle métamorphose. Un vrai papillon. "Bonjour a lalla", m'empressai-je de lancer à la Lolita aux lèvres charnues. "De retour? Vos frères vont bien? Vos parents vont bien?" répétai-je avec mon plus beau sourire, heureux d'avoir dépensé autant d'argent chez cet arnaqueur de dentiste. Elle m'assoma d'un aussi joli sourire: "oui, juste pour quelques jours. Allah yibarek fik". Je la regardai monter dans la voiture avec des battements au coeur. Je gardai cette image pour le reste de la journée, rêvant à l'odeur de ses cheveux. Cette fille me rappelait la pub de Herbal Essence. Le lendemain, Habib, mon ami d'enfance, m'entraîna à la soirée Mousse du Platinium. Qu'est ce que j'ai bien fait d'y aller! La belle Lolita, je ne me souvenais pas de son prénom mais me rappelait qu'elle était aux USA, y était en dos nu et jupe microscopique, se trémoussant sur le podium collé à un grand blond. Je pris mon temps pour savourer la vue et l'abordai au bar, alors qu'elle commandait un Red Bull. "Ca va? Vous venez souvent ici?". On passa un petit moment à se crier dans les oreilles alors que je ne rêvai que de m'engouffrer dans ses lèvres. Au petit matin, je les goûtai dans ma voiture avec délice. Cette fille me rendit dingue. Je passai de plus en plus de temps à fumer sur mon balcon, dans le garage. Un soir, je rentrai tard et la trouvai avec un autre blanc-bec à se becquotter dans sa voiture, en face de la porte! J'étais enragé, mais je ne pouvais rien faire, de peur d'un scandale. Elle m'alluma pendant des semaines, klaxonnait longtemps tard dans la nuit, me draguait en boîte et m'achevait dans ma voiture. Jusqu'au jour où elle repartit aux USA. Ce soir, c'est son mariage. J'ai été invité, en voisin.

Wednesday, August 10, 2005

La métamorphose

Je suis fière de Hicham. Ca faisait deux ans qu'on ne s'était pas vus lui et moi, à part un jour l'été dernier où on s'était littéralement rentrés dedans au coin d'une rue.
D'abord, il faut que je vous dise. Hicham est beau. D'une beauté brute, italienne, méditerranéenne. Il a les cheveux noirs et doux. A l'époque, il les portait longs, en queue de cheval. Il a d'immenses sourcils noirs et des yeux noirs comme ceux d'une peluche. Des lèvres à se damner, fines et douces. Le visage de Hicham respire la douceur. Un visage d'ange brun avec un corps d'Appolon. Je lui ai reproché d'avoir pris des kilos cette fois. Il éclata de rire: "c'est l'argent!".
J'ai connu Hicham sur MIRC, à son "âge d'or". Je ne me souviens pas qui a abordé l'autre le premier. Je me souviens seulement de son pseudo, psychédellique. Hicham se distinguait de la masse d'idiots génétiques qui abordaient tous les pseudos à résonnance féminine avec un: "bonsoir sa va?". Je répondais: "non, savon", avant d'appuyer sur le bouton "ignore".
Hicham parlait bien, ne faisait pas de fautes d'orthographe (très important) et était très drôle. On a continué à chatter pendant des mois. On en était tous à notre fameuse quête de soi avec ses ups et ses downs. Il était en école d'ingénieur, l'EMI je pense. Mais contrairement à beaucoup d'ingénieurs que je connais, il était d'une culture inégalable. Ce Hicham était d'une intelligence, d'une tristesse et d'une beauté qui me laissaient perplexe. Il mettait tout cela au service de son hobby: Hicham était un gigolo. Au début, en petite Rbatia coincée, j'étais un peu choquée. J'avais du mal à l'imaginer avec toutes ces filles. Vous ne me croirez pas, il suffisait qu'on entrait quelque part pour que les filles se retournent, même les plus âgées. Hicham avait un magnétisme animal. Il draguait les petites filles à papa, les femmes en BMW, les serveuses. Il était irrésistible. Sa chambre était devenue une avenue à conquêtes. Côté jardin, il était un studieux ingénieur en devenir. Je m'inquiétais sérieusement pour lui. Il me disait qu'il n'avait pas le choix.
Un jour, Hicham m'appela pour prendre un café. Il avait les yeux cernés, la mine triste. Il me dit qu'il en avait marre de baiser. "Toutes ces filles, j'en suis dégoûté". Il s'abstina donc, pendant trois mois. Il ne toucha pas une seule fille, même si son téléphone n'arrêtait pas de sonner. Mais voilà: il tomba amoureux, brisa le coeur de la fille en la trompant à droite et à gauche pour raisons alimentaires, puis mit plusieurs semaines à se retrouver, sans haschich. On s'est vus plusieurs fois, sa détresse me peinait, mais il ne voulait rien entendre.
Hicham a finalement décroché son diplôme, a trouvé un premier job, l'a détesté. Aujourd'hui, il est cadre à l'ONA, gagne bien sa vie, a mis en veilleuse ses tendances suicidaires et pense à reprendre sa carrière de gigolo, "juste pour le plaisir".

Mimi, ou la technique de l'iceberg

Ma cousine Mia est jolie comme une fleur. Elle est bien éduquée, a une dentition parfaite et se trimbale en sac Longchamp. Je vous le disais: c'est une fille bien. Mais Mia n'est, heu, disons pas très chaleureuse. Son papa est le frère de ma maman et c'est peut-être parceque sa maman est française qu'elle est froide comme un glaçon. Elle ne sait pas être accueillante, encore moins avec les hommes.
Mimi séduit tout le monde par son image de petite fille modèle. Mais voilà, elle n'arrive pas à exprimer ce qu'elle pense. Les hommes lui courent après. Elle les repousse, froide comme un glaçon. Les mecs, ça les fait encore plus courir. A croire qu'ils adorent souffrir, qu'ils n'en ressentent l'amour que plus profondément.
Je me souviens de cet idiot de petit fassi, qui était foux amoureux d'elle et avec qui elle est sortie pendant deux ans je crois. Le jour où ils ont rompu, le mec était tellement désespéré que j'ai dû lui courir après dans l'eau, avec mon pantacourt marron préféré, pour le sauver du suicide. Il faut que je précise qu'il était saoul comme un baril de vin et que je ne pense à cette histoire qu'avec beaucoup de colère pour mon pantacourt, gâché par le sel.
Il y a un an, Mia est tombée amoureuse. Si, si, je vous assure. Je n'en croyais pas mes oreilles non plus. Mais les détails de l'histoire me l'ont confirmé. Le mec aussi était à moitié français, ce qui donnait l'illusion à ma cousine qu'ils se comprenaient. Il est très beau, tout comme elle. Mais contrairement à elle, il, comment dire, sait montrer son appréciation. Pour les choses comme pour les filles. Mia a été tellement prévenue par ses amies qu'il falait se méfier de ce bougre-là, qu'elle a été encore plus destabilisée que d'habitude. De froide, elle est devenue surgelée, ne sachant pas lui dire combien elle l'appréciait. Lui non plus ne savait pas par quel bout la prendre. Plusieurs déceptions et malentendus plus tard, elle le répudia par SMS. Elle en est toute malheureuse. Je lui demande pardon, à Mia. Je croyais qu'elle était comme un glaçon, mais elle est en réalité un véritable iceberg: seulement une petite partie de ses sentiments est visible à la surface.

Monday, August 08, 2005

Triangle

Malak m'a confiée, les larmes aux yeux, qu'elle pense que Rachid la trompe. Une première. Malak et Rachid font partie des couples que je compte sur une main qui ne se trompent pas. Ou, désolée de le dire, où l'homme n'est pas infidèle. Je déposai la sinya, lui versai un jus d'orange. "Mais enfin Malak, tu es sûre? Rachid t'adore, il ne ferait jamais ça". Je n'avais jamais vu Malak aussi déprimée, et perdue. Elle dit en être certaine. "Mais comment?", m'étranglais-je.
Elle m'expliqua que cela fait deux semaines que Rachid, une fois à la maison, ne quitte pas son gsm du regard et passe ses soirées à envoyer des SMS. Pour Malak, c'est la preuve qu'il y a quelque chose. "Même quand on a emmené Slima à la piscine, il n'arrêtait pas d'écrire des messages. Il se cache un peu, mais je vois bien son visage changer d'expression lorsque son téléphone vibre".
Je ne savais pas quoi dire à Malak. L'intuitition féminine, j'y crois complètement. Mais en même temps, je crois connaître un peu Rachid. C'est moi-même qui les ai présentés l'un à l'autre à ma défense de thèse. Et ça a cliqué.
Aujourd'hui, chaque fois que Rachid clique sur le clavier de son Nokia dernier cri, Malak sent son coeur se contracter. Elle s'inquiète maintenant lorsqu'il prend la voiture pour se fumer une petite clope. Elle pense que c'est pour pouvoir "lui" parler.
Mais qui est-elle? Où l'a-t-il rencontrée, lui qui se défonce au boulot et passe son temps libre avec Salma et ses livres?
Malak souffre. Je souffre pour elle. J'ai eu beau épier Rachid l'autre jour, à l'anniversaire de sa petite princesse, je l'ai trouvé normal. Avec son regard un peu mélancolique certes, mais toujours aussi prévenant et gentil.
La semaine prochaine, tous les trois vont en Espagne pour trois semaines. Rachid n'emmènera pas son portable. J'ai hâte qu'ils soient de retour pour que Malak me raconte.

Monday, August 01, 2005

Pour laseine, Sophia's story

Sophia jette sa dernière zerriaa sur l’assiette en éclatant de rire. Sacrée Fatima, ses blagues salaces sont toujours aussi drôles ! " Yallah noudi, khassni nekhrej ". Elle se dépêche de passer une brosse à dents sans eau ni dentifrice sur ses dents pour évincer d’éventuelles traces noires dans les gencives. En enfilant son jean ultra-serré, elle mâchouille un Trident au peppermint, sensé lui donner fraîche haleine.

Sophia est réellement parfaite. Elle fait partie d'une race limitée de filles qui ont réussi leur coloration en blondes sans passer pour des poufiasses. Elle a un corps de rêve. 90 B de tour de poitrine qu'elle dorlote dans la plus jolie lingerie importée d’Espagne, de longues jambes toujours serrées dans des jeans et toujours, toujours des talons hauts.

Mais ce qui la rend si particulière, c'est cette habilité à être sexy sans être vulgaire, attirante sans être aguichante, sensuelle sans être accusée d’être une allumeuse. Et puis surtout, elle a le prénom qu'il faut. Un prénom de fille destinée a être riche.

Sa mère avait une sœur, trop jeune pour être une vraie tante, coquette comme tout, pimpante, fraîche. Lorsque Sophia etait petite, sa tante la gardait chez elle pour des jours, parfois des semaines. C’est chez elle qu'elle a tout appris, dans son incroyable collection de Jeune et Jolie : comment draguer; comment le garder dans son lit; les meilleures manières de rompre. Surtout, Sophia a appris le Français des filles dans le coup, sans jamais avoir fréquenté les écoles de la mission française.

La tante, la trentaine bien entamée, a fini par épouser le propriétaire de la boucherie du quartier, qui a toujours pensé qu’elle ferait un beau gigot. Bientôt, elle est devenue mère et la tata tirée à quatre épingles est devenue une Fatima quelconque, difforme et en permanence en Jellaba.

C'est l'histoire d'une séductrice née, mais pas conne

Sophia sort de l'appartement familial. Aujourd'hui, c'est Youssef, le banquier, qui l'invite au café L'Etoile, le coin chic en ville. Il attend, vautré dans un fauteuil prune. Elle arrive, comme une rose. Il se lève pour l'accueillir. "Délicieuse, comme d'habitude".

"Délicieux", dit Sophia en croquant son "délice aux trois chocolats", son seul plaisir de la journée. Ce Youssef est d'un ennui. Il parle d'elle comme une reine, mais elle a déjà entendu mille fois ce qu'il a à dire. Cela dit, elle accepte d'aller au cinéma après le café. Ce mec est d’un ennui (bis). Mais elle le supportera, elle attend une réponse pour une demande de crédit. Elle veut une voiture. Youssef l’aidera, elle en est sûre. Youssef, lui, est sûr d’une seule chose : cette lingerie venant d’Espagne est magnifique. Le 90 B l’est encore plus. Sophia s'ennuie mais se laisse tripoter dans le noir. Dans le noir aussi, Sophia s’apercevra que Youssef aussi mâche du Trident Peppermint.

To be continued...