Dans Tel Quel de cette semaine:
"Moulay Hicham. Le prince et le Journal
Le prince Moulay Hicham a fait savoir, en fin de semaine dernière, qu’il était disposé à verser les trois millions de dirhams auxquels a été condamné Le Journal hebdomadaire à l’issue de son procès en appel contre un institut européen de recherche . “Mais je ne veux pas porter de jugement sur la décision judiciaire qui a conduit à la condamnation” a toutefois confié le prince au quotidien Le Monde. À la direction du Journal, on assure que la décision du prince est une surprise qui prend tout le monde de court. Aboubakr Jamaï, à l’issue d’une réunion avec les actionnaires, a décidé de rejeter l’offre. “Le geste (du prince) nous honore mais nous le refusons parce que, involontairement, il aurait rendu service aux adversaires de la liberté de la presse plutôt qu’à ses défenseurs”, a-t-il déclaré à TelQuel."
Saturday, April 29, 2006
Friday, April 28, 2006
Esta noche
C'est une heure pour une cigarette. Et même deux.
C'est un moment pour trois bougies. Attention à la cire qui coule.
C'est un silence pour respirer. Et se sentir respirer.
C'est une température pour marcher dehors. C'est un mood à écouter Keyshia Cole. C'est un putain de labyrinthe intérieur qui n'a pas de solution à la fin du livre.
C'est une conversation interrompue et ininterrompue. C'est un cadeau et une absence. C'est une fin et un commencement.
C'est le moment d'aller dormir comme tout le monde.
C'est un moment pour trois bougies. Attention à la cire qui coule.
C'est un silence pour respirer. Et se sentir respirer.
C'est une température pour marcher dehors. C'est un mood à écouter Keyshia Cole. C'est un putain de labyrinthe intérieur qui n'a pas de solution à la fin du livre.
C'est une conversation interrompue et ininterrompue. C'est un cadeau et une absence. C'est une fin et un commencement.
C'est le moment d'aller dormir comme tout le monde.
Thursday, April 27, 2006
Dans son email, elle a dit que ce qu'elle voudrait pour son anniv, c'est son papa. "Juste un petit peu plus, juste un petit moment de plus". J'aimerais pouvoir lui poster ça avec une jolie carte. Impossible.
Alors, elle va se faire un petit plaisir: plonger dans le Pacifique ce weekend, à LA. Et essayer d'oublier. Et essayer de se souvenir, d'autres choses, qui viennent facilement.
Je l'ai prévenue qu'elle ne doit pas s'attendre à l'eau fraîche et parfaite de Skhirat, qu'elle doit emprunter une combi, mais elle ne m'a pas crue.
Elle prendra une vague à ma santé, je le sais. Et deux. Et plus. Combien de fois on s'est regardées avec le même sourire dentifrice jusqu'à l'étirement maximal de la machoire, en tirant le maillot dans tous les sens et tenter de "ster ma ster Allah".
Elle m'a dit ce soir que son meilleur souvenir était lorsqu'un après-midi, on a voulu se reposer un peu en attendant la marée haute et que Bob (Marley) nous a eues. On ne s'est réveillées qu'au coucher du soleil. On avait passé des heures les fesses sur le marbre de la cuisine à faire fondre des fromages dans une casserole qu'on a probablement dissimulée après sous l'évier, tellement elle était cramée.
- "Tu crois qu'on se rendait compte à quel point on était heureuses", elle m'a demandée.
- "Ben ouais, quand-même", que j'ai dit.
C'était un bonheur simple, contagieux (n'est-ce pas Jiji et la chèvre?). J'espère que ça reviendra. Ca reviendra.
Alors, elle va se faire un petit plaisir: plonger dans le Pacifique ce weekend, à LA. Et essayer d'oublier. Et essayer de se souvenir, d'autres choses, qui viennent facilement.
Je l'ai prévenue qu'elle ne doit pas s'attendre à l'eau fraîche et parfaite de Skhirat, qu'elle doit emprunter une combi, mais elle ne m'a pas crue.
Elle prendra une vague à ma santé, je le sais. Et deux. Et plus. Combien de fois on s'est regardées avec le même sourire dentifrice jusqu'à l'étirement maximal de la machoire, en tirant le maillot dans tous les sens et tenter de "ster ma ster Allah".
Elle m'a dit ce soir que son meilleur souvenir était lorsqu'un après-midi, on a voulu se reposer un peu en attendant la marée haute et que Bob (Marley) nous a eues. On ne s'est réveillées qu'au coucher du soleil. On avait passé des heures les fesses sur le marbre de la cuisine à faire fondre des fromages dans une casserole qu'on a probablement dissimulée après sous l'évier, tellement elle était cramée.
- "Tu crois qu'on se rendait compte à quel point on était heureuses", elle m'a demandée.
- "Ben ouais, quand-même", que j'ai dit.
C'était un bonheur simple, contagieux (n'est-ce pas Jiji et la chèvre?). J'espère que ça reviendra. Ca reviendra.
Journalisme (4)
Pour une fois que je suis d'accord avec Tuquoi.
Bon, alors, Moulay Hicham est venu sur son cheval blanc et a brandi 3 millions de dirhams pour sauver Le Journal hebdomadaire. Quoique je respecte beaucoup la personne de Moulay Hicham, je ne sais quoi penser de l'acte en soi. Légitime? Oui, probablement.
L'article explique: "le prince Moulay Hicham a précisé : "Le directeur du Journal était à mes côtés dans les moments de crise ; je tiens à être à ses côtés aujourd'hui qu'il a des difficultés. Je ne fais pas cela pourle Journal, même si j'en suis un lecteur fidèle. Et je ne veux pas porter de jugement sur la décision judiciaire qui a conduit à sa condamnation."
Je ne sais même plus si la mission d'un journal est d'être "aux côtés de quelqu'un" dans ses moments de crise. Tout ce que je sais, c'est que l'amende que s'est récoltée le journal ne venait pas du Maroc, pour une fois, mais que cette affaire ne va pas arranger les choses, ni entre le Palais et My Hicham, ni entre le Palais et Le Journal.
Au fait, quid de leur vente au groupe Bensalah?
Bon, alors, Moulay Hicham est venu sur son cheval blanc et a brandi 3 millions de dirhams pour sauver Le Journal hebdomadaire. Quoique je respecte beaucoup la personne de Moulay Hicham, je ne sais quoi penser de l'acte en soi. Légitime? Oui, probablement.
L'article explique: "le prince Moulay Hicham a précisé : "Le directeur du Journal était à mes côtés dans les moments de crise ; je tiens à être à ses côtés aujourd'hui qu'il a des difficultés. Je ne fais pas cela pourle Journal, même si j'en suis un lecteur fidèle. Et je ne veux pas porter de jugement sur la décision judiciaire qui a conduit à sa condamnation."
Je ne sais même plus si la mission d'un journal est d'être "aux côtés de quelqu'un" dans ses moments de crise. Tout ce que je sais, c'est que l'amende que s'est récoltée le journal ne venait pas du Maroc, pour une fois, mais que cette affaire ne va pas arranger les choses, ni entre le Palais et My Hicham, ni entre le Palais et Le Journal.
Au fait, quid de leur vente au groupe Bensalah?
Tuesday, April 25, 2006
Flawless
Alors, un de mes rêves, c'est de voir George Michael en concert. Ca tombe bien, il commence bientôt sa première tournée en 15 ans. Mon royaume pour un SFO-LHR et quelques heures de magie. Paskil le vaut bien.
Wednesday, April 19, 2006
Journalisme (3)
Alors, tout le monde s'est réuni aujourd'hui autour du Times pour lire ensemble les lauréats 2006 du prix Pulitzer, toutes catégories; sans grand enthousiasme, juste pour savoir.
Hier, Tim, un peu saoûl sur sa table de montage, criait sa colère de voir la galerie de photos du photographe Todd Heisler qui a remporté le Pulitzer de la meilleure photo pour le journal Rocky Mounatin News, à Denver Colorado. L'essai en question a suivi des familles de soldats morts en Irak. "De la pure propagande ma parole!", ruminait Tim en ajoutant "American patriotism at its splendor!". Et vous, vous en pensez quoi?
Cliquer sur la rose pour démarrer le slideshow.
Hier, Tim, un peu saoûl sur sa table de montage, criait sa colère de voir la galerie de photos du photographe Todd Heisler qui a remporté le Pulitzer de la meilleure photo pour le journal Rocky Mounatin News, à Denver Colorado. L'essai en question a suivi des familles de soldats morts en Irak. "De la pure propagande ma parole!", ruminait Tim en ajoutant "American patriotism at its splendor!". Et vous, vous en pensez quoi?
Cliquer sur la rose pour démarrer le slideshow.
Tuesday, April 18, 2006
Journalisme (2)
Depuis quelques semaines, la rumeur court à l'école que Maria (pseudonyme), lors de son dernier voyage en Afghanistan pour servir de camerawoman à une amie de classe, s'est mariée secrètement au cousin de celle-ci. Apparemment, la Latina qu'elle est n'a pas résisté une seconde aux grands beaux yeux noisette du cousin et était prête à tout pour lui donner un coup de main et le sortir du pays. A tout, même à se convertir à l'Islam fissa, au grand dam de son amie musulmane.
Ainsi, les journalistes auraient une noble mission: secourir les âmes perdues de pays bombardés. Moi, même si un mystérieux bosniaque était tombé amoureux de moi, il n'aurait rien gagné à m'épouser en express. En tous cas, depuis le retour de Maria d'Afghanistan, même le gardien de l'école est au courant, mais Maria n'en sait rien. Tout le monde lui pose des questions bizarres sur "la beauté indigène des Afghans", et elle, de répondre naïvement. Il paraît que le jeune époux devrait bientôt venir la rejoindre ici et chercher du travail. La famille de Maria, mexicaine catholique, comme on en doute, ne sait rien du mariage.
J'en veux un peu à son amie d'avoir vendu la mèche à tout le monde. Les journalistes ne savent pas garder les secrets.
Ainsi, les journalistes auraient une noble mission: secourir les âmes perdues de pays bombardés. Moi, même si un mystérieux bosniaque était tombé amoureux de moi, il n'aurait rien gagné à m'épouser en express. En tous cas, depuis le retour de Maria d'Afghanistan, même le gardien de l'école est au courant, mais Maria n'en sait rien. Tout le monde lui pose des questions bizarres sur "la beauté indigène des Afghans", et elle, de répondre naïvement. Il paraît que le jeune époux devrait bientôt venir la rejoindre ici et chercher du travail. La famille de Maria, mexicaine catholique, comme on en doute, ne sait rien du mariage.
J'en veux un peu à son amie d'avoir vendu la mèche à tout le monde. Les journalistes ne savent pas garder les secrets.
Friday, April 14, 2006
La foire...aux questions
Qui c'est qui meugle "oh my God" chaque deux secondes?
Qui c'est le mec à droite?
Qui c'est le mec à gauche?
Ceux qui réponderont correctement gagneront un an de barbe à papa gratuite
Injoignable
Et enfin, enfin, aujourd'hui, il a fait beau. Alors, j'ai mis du noir. Et les lunettes de soleil qu'elle a oublié dans un sac de shopping.
L'après-midi, je me suis illusionnée, illusionnée, que je pouvais couvrir mes carences alimentaires par une tablette de chocolat Lindt fourrée aux truffes. Délicieuse illusion. Il y avait du soleil et lorsqu'on porte du noir, c'est génial parce qu'on a l'impression de mourir de chaud. C'est bien pour moi qui ai l'impression d'avoir les os congelés.
L'après-midi, j'étais un peu confuse. J'ai perdu mon téléphone. C'était très bête, je ne savais plus où, ni quand. Alors, j'ai cherché. Tout l'après-midi. Et partout. Mais je n'aime pas regarder dans les poubelles. Bien sûr, je n'ai aucun numéro marqué nulle part. C'est vraiment fâcheux de perdre ses affaires. Cette même semaine, j'ai perdu les clefs de ma maison. Je me suis retrouvée enfermée dehors, en anglais "locked out". C'est fou quand tu as la liberté de voir le monde entier et toi, tu ne demandes qu'à enfoncer une porte pour t'enfermer. Enfin, la vérité, c'est que j'avais mal aux pieds et que je voulais changer de chaussures et me changer tout court. C'est aussi ironique d'avoir le double de la clé, mais à l'intérieur. J'ai horreur de me sentir SDF, et d'avoir mal aux pieds.
Ils m'ont entraînée à la foire d'Oakland. Ca devait être sympa, mais il n'y avait pas d'autos tamponneuses. Scandale!
Par contre, il y avait une attraction où on est tous allés. Je posterai bientôt la vidéo. Il faisait bon, les clowns faisaient peur et la barbe à papa était à 4 dollars. Finalement, je m'en foutais un peu de mon téléphone.
L'après-midi, je me suis illusionnée, illusionnée, que je pouvais couvrir mes carences alimentaires par une tablette de chocolat Lindt fourrée aux truffes. Délicieuse illusion. Il y avait du soleil et lorsqu'on porte du noir, c'est génial parce qu'on a l'impression de mourir de chaud. C'est bien pour moi qui ai l'impression d'avoir les os congelés.
L'après-midi, j'étais un peu confuse. J'ai perdu mon téléphone. C'était très bête, je ne savais plus où, ni quand. Alors, j'ai cherché. Tout l'après-midi. Et partout. Mais je n'aime pas regarder dans les poubelles. Bien sûr, je n'ai aucun numéro marqué nulle part. C'est vraiment fâcheux de perdre ses affaires. Cette même semaine, j'ai perdu les clefs de ma maison. Je me suis retrouvée enfermée dehors, en anglais "locked out". C'est fou quand tu as la liberté de voir le monde entier et toi, tu ne demandes qu'à enfoncer une porte pour t'enfermer. Enfin, la vérité, c'est que j'avais mal aux pieds et que je voulais changer de chaussures et me changer tout court. C'est aussi ironique d'avoir le double de la clé, mais à l'intérieur. J'ai horreur de me sentir SDF, et d'avoir mal aux pieds.
Ils m'ont entraînée à la foire d'Oakland. Ca devait être sympa, mais il n'y avait pas d'autos tamponneuses. Scandale!
Par contre, il y avait une attraction où on est tous allés. Je posterai bientôt la vidéo. Il faisait bon, les clowns faisaient peur et la barbe à papa était à 4 dollars. Finalement, je m'en foutais un peu de mon téléphone.
Saturday, April 08, 2006
Spring
L'étranger
Les colères ne sont pas toujours celles que l'on croit.
Il avait insisté pour prendre le grand taxi de Casa. A Oulad Ziane, il a tranquillement grillé une cigarette contre un poteau en regardant deux pouilleux en haillons s'entre-déchirer pour une moitié de pain au hrour.
J'aurais pu être ça, mais je ne le suis pas.
Le chauffeur de taxi avait une marque sur le front et une barbe jusqu'au milieu du ventre, un ventre bedonnant voyant en dessous du qmis blanc. En fumant une seconde cigarette, l'étranger a regardé les orteils du barbu, énormes et sales, émergeant de sandales marron d'un cuir douteux, rafistolées sur le côté au fil et à l'aiguille.
Il se souvint d'une paire de sandales en platique blanches que la vieille recousait chaque été pour qu'il puisse aller à la plage d'El Jadida. Avec ses trois cousins, ils passaient des journées dans les rochers à chercher des moules, des oursins, des crevettes,des crabes, à plonger dans le sable, s'en recouvrir puis détaler comme des lapins en direction de l'eau. C'étaient peut-être ses seuls joyeux souvenirs d'enfance. Lorsqu'il était temps de retourner au douar, il avalait sa salive, mettait ses affaires dans un sachet en plastique et attendait Hamid à la station.
Il aurait pu payer deux places au lieu d'une et être confortablement assis à l'avant, à côté du gros barbu, mais quelque chose le rendait plus enclin à être serré, se cognant le crâne à chaque fossé, chaque dos d'âne contre le toit de la Mercedes 240D d'un jaune pipi assez amusant. Le bonhomme assis entre lui et le chauffeur puait des aisselles et l'étranger collait son visage contre la vitre, pour penser à autre chose.
Il aurait pu ne pas rentrer, il aurait pu rester à Barize, à son petit quartier où tout le monde le connaît sans le connaître. C'est comme un homme à qui on refait son casier judiciaire ou une fille qui se fait recoudre l'hymen. Tu es intact, neuf. Personne ne sait où t'as grandi, ce que tu bouffais pour le dîner, si tu bouffais au dîner et si des petits garçons de ton âge s'amusaient à te coincer dans les broussailles pour te fourrer un bâton dans le derrière.
T'arrives avec tes petites affaires, tu ramènes une nouvelle personnalité si tu veux, tu es ce que tu veux, tu montres ce que tu veux montrer, y a pas de "c'est le fils des Aït Afelman" ou "c'est le neveu de Houcine skaïri". Houcine, le jeune frère à la vieille, était là quand au eïd kbir, l'étranger, à 13 ans, a dit: "moi, quand je prends mon bac, je vais aller vivre en France". Houcine avait éclaté de rire et les tripes cuminées lui pendaient dans la bouche et avait dit: "nta, nta si tu arrives à aller en France, viens me cracher à la gueule".
C'était juste ça mais c'était assez. Les gosses n'oublient jamais la hogra. Elle les suit toute la vie comme les cicatrices de chutes et de varicelle.
Une fois au village, l'étranger prit son sac et le sentier bordé de cactus. Aujourd'hui, il ne se sent pas chez lui. C'est simple, on peut se sentir étranger partout. Il marche dans le petit sentier sablonneux avec tellement de choses dans la tête qu'il a l'impression qu'il n'y a qu'un courant d'air, et toute la sueur du midi. Tranquillement, il frappe du poing à la porte verte rouillée d'une baraque à moitié construite sur le bord du chemin vers la maison de la vieille. Il attend, le temps que Houcine se ramasse et aille ouvrir la porte. Ses cheveux étaient tous gris et il avait encore perdu une dent de devant.
Houcine regardait son neveu, un peu éberlué, un peu saoûl un vendredi à 13h. L'étranger prit son temps et lança doucement, comme une caresse: "ou daba, nedfel alik?"
Il avait insisté pour prendre le grand taxi de Casa. A Oulad Ziane, il a tranquillement grillé une cigarette contre un poteau en regardant deux pouilleux en haillons s'entre-déchirer pour une moitié de pain au hrour.
J'aurais pu être ça, mais je ne le suis pas.
Le chauffeur de taxi avait une marque sur le front et une barbe jusqu'au milieu du ventre, un ventre bedonnant voyant en dessous du qmis blanc. En fumant une seconde cigarette, l'étranger a regardé les orteils du barbu, énormes et sales, émergeant de sandales marron d'un cuir douteux, rafistolées sur le côté au fil et à l'aiguille.
Il se souvint d'une paire de sandales en platique blanches que la vieille recousait chaque été pour qu'il puisse aller à la plage d'El Jadida. Avec ses trois cousins, ils passaient des journées dans les rochers à chercher des moules, des oursins, des crevettes,des crabes, à plonger dans le sable, s'en recouvrir puis détaler comme des lapins en direction de l'eau. C'étaient peut-être ses seuls joyeux souvenirs d'enfance. Lorsqu'il était temps de retourner au douar, il avalait sa salive, mettait ses affaires dans un sachet en plastique et attendait Hamid à la station.
Il aurait pu payer deux places au lieu d'une et être confortablement assis à l'avant, à côté du gros barbu, mais quelque chose le rendait plus enclin à être serré, se cognant le crâne à chaque fossé, chaque dos d'âne contre le toit de la Mercedes 240D d'un jaune pipi assez amusant. Le bonhomme assis entre lui et le chauffeur puait des aisselles et l'étranger collait son visage contre la vitre, pour penser à autre chose.
Il aurait pu ne pas rentrer, il aurait pu rester à Barize, à son petit quartier où tout le monde le connaît sans le connaître. C'est comme un homme à qui on refait son casier judiciaire ou une fille qui se fait recoudre l'hymen. Tu es intact, neuf. Personne ne sait où t'as grandi, ce que tu bouffais pour le dîner, si tu bouffais au dîner et si des petits garçons de ton âge s'amusaient à te coincer dans les broussailles pour te fourrer un bâton dans le derrière.
T'arrives avec tes petites affaires, tu ramènes une nouvelle personnalité si tu veux, tu es ce que tu veux, tu montres ce que tu veux montrer, y a pas de "c'est le fils des Aït Afelman" ou "c'est le neveu de Houcine skaïri". Houcine, le jeune frère à la vieille, était là quand au eïd kbir, l'étranger, à 13 ans, a dit: "moi, quand je prends mon bac, je vais aller vivre en France". Houcine avait éclaté de rire et les tripes cuminées lui pendaient dans la bouche et avait dit: "nta, nta si tu arrives à aller en France, viens me cracher à la gueule".
C'était juste ça mais c'était assez. Les gosses n'oublient jamais la hogra. Elle les suit toute la vie comme les cicatrices de chutes et de varicelle.
Une fois au village, l'étranger prit son sac et le sentier bordé de cactus. Aujourd'hui, il ne se sent pas chez lui. C'est simple, on peut se sentir étranger partout. Il marche dans le petit sentier sablonneux avec tellement de choses dans la tête qu'il a l'impression qu'il n'y a qu'un courant d'air, et toute la sueur du midi. Tranquillement, il frappe du poing à la porte verte rouillée d'une baraque à moitié construite sur le bord du chemin vers la maison de la vieille. Il attend, le temps que Houcine se ramasse et aille ouvrir la porte. Ses cheveux étaient tous gris et il avait encore perdu une dent de devant.
Houcine regardait son neveu, un peu éberlué, un peu saoûl un vendredi à 13h. L'étranger prit son temps et lança doucement, comme une caresse: "ou daba, nedfel alik?"
Friday, April 07, 2006
Morocco connection
Les Hoba Hoba Spirit etaient en Tunisie pour un concert zunique en son genre (mais ca, on s'en doutait, hein!). En deux mots, ils ont mis le feu!! Ne pas rater la section photos!
Le mois prochain, ils seront a Toulouse, en juin en Bulgarie et en Suisse en Septembre.
A quand aux US!
Le mois prochain, ils seront a Toulouse, en juin en Bulgarie et en Suisse en Septembre.
A quand aux US!
Thursday, April 06, 2006
30 days with Muslims
Un jeune redneck de West-Virginia a passé un mois chez et avec des Musulmans d'Amérique. Le résultat a été diffusé sur la chaine FX mais vous pouvez le visionner à cette addresse:
http://video.google.com/videoplay?docid=8596690458731858361&q=30+days&pl=true
Ca vaut totalement le détour.
http://video.google.com/videoplay?docid=8596690458731858361&q=30+days&pl=true
Ca vaut totalement le détour.
Anesthesie
Il jouait du piano debout
C'est peut-etre un détail pour vous
Mais pour moi, ça veut dire beaucoup
Par terre, entre les flaques d'eau, il y avait un énorme ver, un ver rose et mauve mort et tout tordu. Ecoeurant. J'ai pensé à ceux qui viendront nous manger dans nos tombes. Enfin, j'y pensais avec John Mayer me chantant dans les oreilles "I slipped on a little white lie". Je relativise donc. Quelle idée de ne pas se réveiller lorsque le réveil a sonné la première fois et se retrouver à courir dans la rue en se choppant plein de pluie. Il faisait si bon en-dessous de la couverture et si froid dehors, là ou il pleut sans arrêt, là où les taxis ne sont jamais là quand on a besoin d'eux.
Allongée sur le fauteuil rouge brique qui me masse les omoplates, je fixe la lumière au-dessus de mes yeux. J'ai envie de dormir là, pendant des heures. Tala, la dentiste qui parle français, me dit qu'elle va mettre un rain coat sur ma dent pour que je n'avale pas le produit anti-infectieux. Elle ne sait pas que, depuis tout à l'heure, j'avale tout ce qui est amer, très amer, en espérant que ça va m'endormir, m'assomer. Je me tourne à ma gauche et toute la vallée est verdoyante dans le gris, un gris proche du noir. Je me retourne fixer la lumière puis je m'endors.
Dans mon rêve, il me tenait le menton de ses doigts de pianiste. Il me disait: "Najlae, sors ta gomme, efface, réécris, corrige, appuie sur le crayon". Ah si on pouvait ressortir une gomme magique pour tout et se donner le luxe de refaire, redire, repenser, reformuler, être parfaits, délicieusement parfaits dans nos répliques, nos larmes, nos coups de colère pesés au miligrame près. Parfois, je ne suis que silences, je suis l'huitre qui se referme. "T'as beau avoir une perle à l'interieur, on voit rien si tu te placardes", me répond ce salaud de Ayoube.
Mais on n'a pas ce luxe. On peut seulement fauter, recommencer, se relever, se détester, se calmer, essayer de se corriger...pour la prochaine fois.
C'est peut-etre un détail pour vous
Mais pour moi, ça veut dire beaucoup
Par terre, entre les flaques d'eau, il y avait un énorme ver, un ver rose et mauve mort et tout tordu. Ecoeurant. J'ai pensé à ceux qui viendront nous manger dans nos tombes. Enfin, j'y pensais avec John Mayer me chantant dans les oreilles "I slipped on a little white lie". Je relativise donc. Quelle idée de ne pas se réveiller lorsque le réveil a sonné la première fois et se retrouver à courir dans la rue en se choppant plein de pluie. Il faisait si bon en-dessous de la couverture et si froid dehors, là ou il pleut sans arrêt, là où les taxis ne sont jamais là quand on a besoin d'eux.
Allongée sur le fauteuil rouge brique qui me masse les omoplates, je fixe la lumière au-dessus de mes yeux. J'ai envie de dormir là, pendant des heures. Tala, la dentiste qui parle français, me dit qu'elle va mettre un rain coat sur ma dent pour que je n'avale pas le produit anti-infectieux. Elle ne sait pas que, depuis tout à l'heure, j'avale tout ce qui est amer, très amer, en espérant que ça va m'endormir, m'assomer. Je me tourne à ma gauche et toute la vallée est verdoyante dans le gris, un gris proche du noir. Je me retourne fixer la lumière puis je m'endors.
Dans mon rêve, il me tenait le menton de ses doigts de pianiste. Il me disait: "Najlae, sors ta gomme, efface, réécris, corrige, appuie sur le crayon". Ah si on pouvait ressortir une gomme magique pour tout et se donner le luxe de refaire, redire, repenser, reformuler, être parfaits, délicieusement parfaits dans nos répliques, nos larmes, nos coups de colère pesés au miligrame près. Parfois, je ne suis que silences, je suis l'huitre qui se referme. "T'as beau avoir une perle à l'interieur, on voit rien si tu te placardes", me répond ce salaud de Ayoube.
Mais on n'a pas ce luxe. On peut seulement fauter, recommencer, se relever, se détester, se calmer, essayer de se corriger...pour la prochaine fois.
Wednesday, April 05, 2006
Flash-back trilingue
Je suis dans le métro parisien. Il est environ 17h30 et Emily et moi avons fini par baisser les bras. Nous rentrons bredouilles de Clichy, où Fatah nous a fait languir toute la journée sans nous accorder d'interview à la fin. Je suis passée des menaces aux supplications aux techniques de persuasion rationnelles, mais c'est le niet complet. Le trépied et les accessoires sont lourds. Nous faisons le tour de la ville plusieurs fois, parfois en prenant des petits sentiers. J'ai oublié mes gants et mes mains sont gelées et gercées. On s'est "reposées" en accueillant les courant d'air sur les gradins du terrain de foot. Lorsque le jour a commencé à tomber, nous avons repris le bus, silencieuses, pour la station du RER.
Nous nous quittâmes à Magenta. Je dors les yeux ouverts en marchant, évitant, bousculant, me frayant une petite place. A côté de moi, un jeune est penché sur un petit carnet, de ceux sur lesquels moul l7anoute au Maroc note les ardoises de chacun. Même si j'avais voulu faire ma curieuse, j'aurais pas pu jeter un oeil tellement je suis épuisée. Mes épaules sont cassées et je redoute déjà le changement aux Halles.
Le jeune homme m'agrippe de l'épaule et mes yeux globuleux se retournent vers lui alors qu'il me montre un mot dans le carnet. Les pages du dit carnet sont divisées en trois colonnes: une de mots en indien, une en français et une en sons phonétiques. Je lui explique le premier mot et il le répète après moi. La majorité des termes sont des mots médicaux. Il m'explique en anglais qu'il est étudiant en pharmacie et qu'il doit apprendre tous les mots. Son carnet est rempli de la première à la dernière page et le pauvre bourge répète des mots après moi, réécrit un son phonétique, met l'explication en anglais entre parenthèses. Je n'en reviens pas. Je suis fascinée par autant de volonté et de persévérance. Je me demande comment il avale les énormes polycopes, moi qui baisse les bras si vite.
Je lui balance trois mots en indien (les seuls que je connais) en quittant le train. Et je me décide à être plus courageuse et travailleuse dans l'avenir.
Un quart d'heure plus tard, chez ma chèvre préférée, je dormais déjà.
Nous nous quittâmes à Magenta. Je dors les yeux ouverts en marchant, évitant, bousculant, me frayant une petite place. A côté de moi, un jeune est penché sur un petit carnet, de ceux sur lesquels moul l7anoute au Maroc note les ardoises de chacun. Même si j'avais voulu faire ma curieuse, j'aurais pas pu jeter un oeil tellement je suis épuisée. Mes épaules sont cassées et je redoute déjà le changement aux Halles.
Le jeune homme m'agrippe de l'épaule et mes yeux globuleux se retournent vers lui alors qu'il me montre un mot dans le carnet. Les pages du dit carnet sont divisées en trois colonnes: une de mots en indien, une en français et une en sons phonétiques. Je lui explique le premier mot et il le répète après moi. La majorité des termes sont des mots médicaux. Il m'explique en anglais qu'il est étudiant en pharmacie et qu'il doit apprendre tous les mots. Son carnet est rempli de la première à la dernière page et le pauvre bourge répète des mots après moi, réécrit un son phonétique, met l'explication en anglais entre parenthèses. Je n'en reviens pas. Je suis fascinée par autant de volonté et de persévérance. Je me demande comment il avale les énormes polycopes, moi qui baisse les bras si vite.
Je lui balance trois mots en indien (les seuls que je connais) en quittant le train. Et je me décide à être plus courageuse et travailleuse dans l'avenir.
Un quart d'heure plus tard, chez ma chèvre préférée, je dormais déjà.
Monday, April 03, 2006
Bowl at your own risk
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