19h. Vendredi. Grand Central Station. Le bus vient de me déposer devant la station. Je tire mes deux valises avec peine. Je voudrais entrer au Starbucks mais il n'y a pas de tables, juste un bar. Il commence à pleuvoir et je me retiens de ne pas pleurer. Si il avait été là, il m'aurait regardée et m'aurait dit: "mmmh, aujourd'hui, tu n'es pas tigre, tu es juste oiseau". Je serre la mâchoire, sors un livre, scrute mon téléphone, minute par minute. Pourquoi être revenue? Les sept heures d'avion ont été interminables. Tous ces gosses qui crient...J'ai eu mille fois des envies de meurtre. Le mec assis à côté de moi, musclé, bronzé et mitraillé de gadgets dernier cri, n'attendait que de me montrer le dernier clip de Nancy Ajram sur son lecteur MP3-MPEG 10 pouces et 8 giga, n'a-t-il pas oublié de mentionner. Je me détournais pour regarder ma petite princesse africaine, Fattoumata, assise de l'autre côté du couloir. Elle n'a accepté de parler à personne à part moi, même pas aux hôtesses de l'air, pourtant adorables. Elle pleurait de temps en temps et me regardait avec les yeux les plus tristes du monde. Adieu la Guinée, retour à New-York qui l'a vue naître, retour au Bronx où elle vit. Sa famille de Guinée lui a fait cuire un poulet pour le voyage mais elle n'avait de babines que pour le yaourt marocain Moufid, goût fraise. Anna Saussmann me l'avait bien dit: "de mes souvenirs du Maroc, alors que je n'avais que 12 ans, c'est le goût du yaourt qui m'a le plus marquée".
Fattoumata renverse son Fanta. L'inspecteur Gadget à côté de moi me lance un "ça se voit que tu aimes les enfants". Les mots me manquent pour répondre à une phrase aussi recherchée. Je me replonge dans mon Fouad Laroui avant d'entendre "et ça se voit que tu aimes lire! Tu as déjà fini le premier livre!". Gadget man, retourne à Nancy, for God's sake...
J'ai le moral dans les talons. Je regarde les New-Yorkais courir dans la rue avec leurs parapluies. Je me sens comme dans une jungle, definitely oiseau today.
Je pense à Berkeley, à ce qui m'attend. Al jihad, disait l'autre...
Je me repasse le film du Maroc. C'était tellement sympa. Qu'est-ce qui me retient de retourner m'y installer dès l'année prochaine? Je sais: la peur de ne plus avoir le choix, de ne plus pouvoir revenir en arrière. La peur de regretter.
Je repense à Berkeley. Al jihad....
J'ai les larmes aux yeux. J'ai mal partout, j'ai les épaules ratatinées et j'ai tellement faim. Les deux heures d'attente au service d'immigration m'ont achevée. J'ai peur de laisser mes valises pour une minutes et de me retrouver encerclée par les policiers croyant à une bombe à Grand Central. Mon hôte arrive. J'ai du mal à sourire même si je suis soulagée de voir un "visage ami".
Plus tard, au restaurant du Hudson, je reprenais un peu de vie en me shootant aux raviolis aux champignons. Mon cerveau ne s'arrête pas une seconde. Cette ville, ce pays, ont besoin de gens forts à l'intérieur. Je doute de ma capacité à lutter dans cet environnement. Welcome back home, Najlae.
Sunday, August 21, 2005
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3 comments:
3la slamtek,
je sais ce que tu resens, ce n'est pas evident de prendre une decison ferme, rester ou partir..
ma njila, te echo de menos...
Tu l'as en toi le Maroc, alors prends le temps de ne jamais avoir de remords et croque à pleines dents ton expérience ricaine. Ce n'est qu'un ersatz d'exil. Tu sais que tu rentreras un jour, n'est-il pas?
"Le réel exil commence lorsque le présent est confisqué. Quand on est condamné à rêver le temps d'avant et attendre l'avenir".
Chawki Abdelamir, poète Irakien, né à Nassirya en 1949. Traducteur d'Adonis en français.
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