A quoi peut bien penser Monsieur Mustapha? Je me pose la question chaque fois que je le vois griller sa cigarette sur la plateforme à l'extérieur de son "bureau". Entre 14H et 15H uniquement, lorsque d'autres sont en train de déjeuner, ou disons juste bourrer leurs canaux digestifs d'une infecte gamila industrielle. Monsieur Mustapha, le souffre-douleur qui ne se plaint pas, qu'on ne se sent pas obligé de payer, qui connaît par coeur les prix, au centime près, de chaque denrée alimentaire sur le marché, est le meilleur thermomètre social. En ce moment, il grille bien trop de cigarettes pour ses 55 kilos.
Je me pose la question, la tête qui dépasse de la fenêtre, les yeux rivés sur l'océan, que j'aperçois entre deux paraboles géantes. Znata, une parenthèse de film. Même à ciel ouvert, sa poubelle m'est plus supportable que les couleurs de l'atelier. Son air m'est plus respirable. Ses rues plus désertes. Mon agoraphobie l'en remercie.
Demain, la paix, la récréation des nerfs en feu. Au diable les gosses qui volent des melons des camions. A l'enfer Ain Sbaa. Ses échoppes d'alcool. Sa gare sans Escalator, piège des voyageurs surchargés en transfert pour l'aéroport. Sa circulation de jeux vidéos. Son parfum Cicalim. Son parc zoologique fossilisé. Ses drogués sur les bancs. Sa place publique à 50(0?) millions de dirhams: une merde décorée de fleurs.
Je n'ai pas de solution pour les gosses qui vendent encore et encore des Kleenex au feu rouge. Quand vous êtes une femme, ils vous font des regards de chien battu. "Aidez-moi", couinent-ils.
Je n'ai pas de solution pour les femmes, chargées de leurs bébés, qui vendent encore et encore des Kleenex au feu rouge. Je n'ai rien à leur donner. Pas même ma compassion.
Je n'ai pas de solution pour tous ces gars bien portants qui tendent la main. Avant, y avait pas. J'ai beau chercher dans ma tête. Quand j'avais 16 ans, je ne voyais que des infirmes et des vieux tendre la main. Aujourd'hui, ils se font concurrence. Si Dieu vous "zghab" et vous sirotez -une fois par an- un fraise-orange (HC) à une terrasse de l'Agdal, vous êtes perdu. Le harcèlement est un doux euphémisme, tant les menaces sont d'une inouïe violence. Les flics sont débordés: à peine ont-ils embarqué dix gars au poste que douze autres sont apparus. C'est l'Escalator social qui est en panne. Et, dommage pour vous, vous vous coltinez les bagages des autres dans les bras.
Je suis déprimée par autant de misère. Ce n'est pas le mur des lamentations de Rabat-Anfa, comme dirait ce cher Ibn Kafka, mais de l'impuissance, ce boulet du moral qu'est cet attentisme généralisé que je vois autour de moi. Des gosses qui disent: "3afak 3awen lfariq" est pour moi le début de la fin d'une société. Je ne sais pas si leurs parents savent qu'ils mendient à moitié, fouillent les poubelles même s'ils sont chaussés de Nike dernier cri, mais toute cette mentalité qui légitime le fait de tendre la main au premier inconnu est révoltante.
Pendant ce temps, ceux qui ont vraiment besoin d'aide en sont privés, rien d'étonnant, ou se fondent dans la masse. Mais je tends à penser qu'ils ont moins tendance à se prostituer moralement.
Cela fait pratiquement deux ans que je suis rentrée au Maroc. Ce que je vois tous les jours est loin des articles panégyriques de l'Express, des Echos ou de Match. Il y a certainement des équilibres à trouver entre un pays de bétonneuses et de paillettes festivalières, et celui d'indigence intellectuelle, financière et culturelle, qui ne peut être nourri à coups de Nayda et de FIFM. Je n'ai pas de solutions. Vivement le retour de l'Ijtihad.
Je n'ai pas de solution pour les gosses qui vendent encore et encore des Kleenex au feu rouge. Quand vous êtes une femme, ils vous font des regards de chien battu. "Aidez-moi", couinent-ils.
Je n'ai pas de solution pour les femmes, chargées de leurs bébés, qui vendent encore et encore des Kleenex au feu rouge. Je n'ai rien à leur donner. Pas même ma compassion.
Je n'ai pas de solution pour tous ces gars bien portants qui tendent la main. Avant, y avait pas. J'ai beau chercher dans ma tête. Quand j'avais 16 ans, je ne voyais que des infirmes et des vieux tendre la main. Aujourd'hui, ils se font concurrence. Si Dieu vous "zghab" et vous sirotez -une fois par an- un fraise-orange (HC) à une terrasse de l'Agdal, vous êtes perdu. Le harcèlement est un doux euphémisme, tant les menaces sont d'une inouïe violence. Les flics sont débordés: à peine ont-ils embarqué dix gars au poste que douze autres sont apparus. C'est l'Escalator social qui est en panne. Et, dommage pour vous, vous vous coltinez les bagages des autres dans les bras.
Je suis déprimée par autant de misère. Ce n'est pas le mur des lamentations de Rabat-Anfa, comme dirait ce cher Ibn Kafka, mais de l'impuissance, ce boulet du moral qu'est cet attentisme généralisé que je vois autour de moi. Des gosses qui disent: "3afak 3awen lfariq" est pour moi le début de la fin d'une société. Je ne sais pas si leurs parents savent qu'ils mendient à moitié, fouillent les poubelles même s'ils sont chaussés de Nike dernier cri, mais toute cette mentalité qui légitime le fait de tendre la main au premier inconnu est révoltante.
Pendant ce temps, ceux qui ont vraiment besoin d'aide en sont privés, rien d'étonnant, ou se fondent dans la masse. Mais je tends à penser qu'ils ont moins tendance à se prostituer moralement.
Cela fait pratiquement deux ans que je suis rentrée au Maroc. Ce que je vois tous les jours est loin des articles panégyriques de l'Express, des Echos ou de Match. Il y a certainement des équilibres à trouver entre un pays de bétonneuses et de paillettes festivalières, et celui d'indigence intellectuelle, financière et culturelle, qui ne peut être nourri à coups de Nayda et de FIFM. Je n'ai pas de solutions. Vivement le retour de l'Ijtihad.
9 comments:
Ton texte est poignant, regorgeant de tristes réalités. Je réponds par les mots d'un autre et pense à ce vieillard qui voulait traverser une autoroute où les quatre roues rivalisaient de célérité, d'impudence et de cruauté.
"Alors que grandissait le nombre de mes années, augmentait mon ignorance et stagnait mon imagination. Je m'enfonçais dans cette réalité de ventres creux, d'idées reçues et d'immédiateté.
Mais toujours une aspiration, vague incertaine. Une envie, comme cela, d'embrasser un arc-en-ciel, ou de fendre un horizon scintillant."
Driss Bouissef Rekab (14 ans de prisons à Kenitra)
A l'ombre de Lalla Chafia, L'Hamattan.
Houda,Justes mots de Rekab! On garde nos aspirations,au risque d'être aspirés nous-mêmes un jour.
Condamnées,sommes-nous, chère amie, à boire nos fraise-orange (avec ou sans sucre) dans nos chambres recluses.
La vie continue...nul besoin de se cacher pour se délécter de son jus ou de ses fraises :)
oh bof mais le plaisir est amoindri..
bonjour
je viens de creer un blog sur mon retour au maroc, moi le roumi apres 42 ans d'absence
et je viens aussi de mettre ton blog dans mes liens je sens que je vais venir souvent te revoir
amities
patrick
Leave them like they are, leave them on ther own.Things will be better,when clouds skips the sky, and Your trip turns to fly! love is in the air! other reality still ocnvict us to take off our 'jus d'ornge à la fraise', seems to be a privilege!
Rafie....appentis sourcier!
P.S. rien à dire par rapport à ton billet, à part un commentaire! :)
P.S.2. j'en conviens! y a moins de fatalité dans ce que tu écris que dans ce que tu penses!
Rafie....Panse à moi!
bonjour najlae
ca fait un ptit moment que je passe chez toi discrètment...
mais, je suis une handicapée de la parole, je ne poste jamais ...
j'ai demandé de tes nouvelles au surfeurs de skhirat lors de mon dernier au passage au maroc,
est ce que tu veux me donner ton adress email?
bonne journée
bouchra
rafie, LOL t sûr pr la fatalité? xoxo
Bouchra, wa je te l'ai donnée y a un moment: info@najlae.info
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