Sunday, May 31, 2009

Hirondelles

J'ai rencontré la sérénité aujourdhui,quelque part sur la côte tangeroise,côté océan bien entendu. J'ai rencontré la sérénité,sans warning sign. Étrangement,elle parlait espagnol. D'instinct,je lui souris. Il s'agissait de ne pas rater la rencontre. Le vent était l'invite surprise,personne n'est parfait. Ici c'est le bout du monde et l'occasion méritait plus qu'une brise.
J'ai ôté mes plateformes de 15 centimètres pour être à la hauteur de la situation. Mon coeur était tous ces bateaux à la fois qui prenaient le large. Ma rage,elle,amerrissait lentement. Je la laissai dans la voiture.
Un cheval,au loin. Une aire de repos familière. Des souvenirs de rien. Des tournesols à perte de vue. Des pouces qui me disent des choses. une table de ping pong. Une maquette d'airbus. Je m'oublie,un temps.
Au placard,toutes les abjections de soi. Pas le temps.

Thursday, May 21, 2009

Conquêtes


Esperarte

L'aéroport, tous les aéroports, agissent sur moi comme un oignon géant.
C'est simple: une fois dans le lobby des arrivées, je m'empêche de regarder les gens. Je trace, poussant mon chariot, scannant l'entourage, à la recherche de la figure aimée qui m'attend.
Mais cette fois-ci, je me suis faite avoir: c'était moi qui attendais.
Je déteste ce rôle. Mais je n'avais pas le choix. Alors, pendant une heure, me voilà à scruter la porte automatique d'où sortent à tour de rôle des jeunes, des vieux, des obèses, des rachitiques, des chauves, des ninjas, des pélerins, etc.
Les pélerins sont ma catégorie préférée bien entendu. Pour les accueillir, non pas un, deux, mais au moins dix personnes. Lorsqu'ils arrivent, comme des anges éclatants, le corps fatigué, l'âme apaisée, l'auréole presque tamponnée sur le visage, c'est une distribution gratuite de baraka dans l'aérogare. J'idéalise, ne m'en voulez pas. Images des grands-parents incrustées à vie. Leur odeur aussi.
Le temps passe. Un gosse me tourne autour. Enfin, ils sont deux. L'un est tout petit, mignon, la coupe de cheveux d'une pub pour shampoing. Son frère est plus âgé, plutôt laid, porte des lunettes. Une injustice par famille est déjà insupportable. Mais lorsque le petit récolte tous les câlins paternels, c'est criminel.
Les familles éclatées provoquent des larmes immédiates. La jeune maman courant vers son bébé m'a assassinée à bout portant. Depuis combien de temps ne l'a-t-elle pas vu? Peut-être une heure. Peut-être trois jours, un mois. Qu'importe. Une séparation est une séparation.
La vue de ces êtres dont tout était dépeuplé jusqu'à ce triste hall m'achève. Comme une émission de société qui déshabille les misères des uns et des autres et dont certains se saoûlent à longueur de journée, ce sont autant de tranches de vie recomposées dans trente mètres carrés.
Le temps passe. On guette une ombre, une valise rose qu'on aperçoit lorsque la porte automatique s'écarte pour un policier, une file au loin. L'être aimé est toujours dans les intestins de la bête. Les êtres aimés des uns et des autres arrivent. Et lorsqu'ils sont là, plus rien ne compte, ni le ridicule des cris, des gestes, ni l'état de fatigue, les cheveux emmêlés, le mascara qui coule. Et ces retrouvailles toutes pudiques tricotées au silence, ces enlacements puissants mais courts, donnent toute leur valeur à ces attentes individuelles pénibles et libératrices. Que moi-même, j'ai connu.

Wednesday, May 20, 2009

Occupation


Hara-Kiri

Tant de cadavres de papillons sur mon pare-brise. C'est le printemps.

Tuesday, May 12, 2009

Effractions

Tous les jours, je vais m'asseoir à la terrasse de la maison qui n'est pas la mienne.
Je la désire de toute mon âme. Même si je le voulais, je n'en aurais pas imaginé une aussi jolie.
C'était un coup de coeur. Ca l'est toujours. Un amour d'enfance ne s'éteint pas devant mille aventures de feu. Alors j'attends que vienne le moment de me consumer entre ses murs. J'attends, ça viendra. Un amour ne s'efface pas, tout court.
Tous les jours, je regarde à droite, à gauche, traverse la rue, tends une main sûre vers la serrure du portillon, comme un amant vers le bouton de sa rose. C'est ma délivrance que j'inaugure. Je traverse le garage, mes pieds ne touchant pas terre, la bouche ouverte, pour faire entrer deux fois plus d'air: celui qui rajoute des secondes à ma vie; j'en suis convaincue.
La terrasse est mon point faible, le moteur de tous mes fantasmes. Dangereusement hallucinogène. Je vois des transats blancs. Je caresse un labrador sable imaginaire. Je sirote une citronnade qui n'existe que dans ma tête (j'en salive). Je planifie une sieste dans mon hamac du Costa Rica. Car ma terrasse a un arbre qui date de mes rêves, donc vieux. Je réfléchis à repeindre, satanée humidité. Je songe au prochain barbecue. Je m'oublie dans la vue, qui a été inventée dans cet objectif: faire des secondes des années, des siècles de dialogue ininterrompu avec mes soeurs les vagues. Aussi chevelues que moi, juste plus courageuses pour se cogner la cabesita contre de bien durs rochers. Je vois un bonheur justifié par ce toit rouge comme ma rage. Une khayma pour une pèlerine en soif d'aires de repos sur une autoroute sans panneaux. Une pelouse qu'on envie à des imbéciles aveugles, puisqu'ils ne voient pas que leur bonheur est juste là, dans un pré bleu-gris, où je me noie à déraison.