Wednesday, November 29, 2006

Ouanskra


Nous avons tourné cinq jours dans ce merveilleux douar du Haut Atlas. Le reportage passe demain, jeudi 30 novembre à 22h10, sur l'émission Grand Angle, de 2M, où je travaille désormais.

Rire à Baghdad et mourir

Rire jaune, mais rire quand-même. De l'occupation. De la tragédie. Dans les journaux. Sur la TV. Ca se passe en Irak et Le Monde en parle.

Saturday, November 25, 2006

Gueule de bois

Je n'avais jamais vu une orange rouillée. Comment j'ai pu la rater tout ce temps alors qu'elle est en face de moi? Elle est énorme, orange, avec des feuilles vertes. Mais j'ai les phares des voitures dans les yeux et très froid. Dans ma tête résonne la chanson de la pub: "wach 3raftouni, ana llaymouna"en boucle. Je vais devenir folle. Je commence à chanter autre chose à voix haute pour me l'enlever de la tête. Je suis très fatiguée. Ah, l'époque bénie où il suffisait de pondre un papier, le mettre sur le serveur et prendre le train pour rentrer chez soi. Là, c'est la souffrance pure. Des heures de travail sur quatre minutes. Toujours revoir, toujours recorriger, arranger, réduire, étendre, fondre, souder. REPLAY. Je m'impatiente, je descends à la machine à café pour la troisième fois. Le "lait au cacao, 32% de chocolat garanti" est assez infect, mais j'avale quand-même. Mouhssine s'énerve, je fatigue. Passer parfois 14 heures par jour dans une "pièce" de deux mètres sur 1,5 a épuisé notre réserve de blagues et nos méthodes de cohabitation professionnelle copiées de la bible des ressources humaines ont été jetées à la poubelle.
Mouhssine et moi guettons chaque son féminin dans le couloir. Elle peut surgir à n'importe quel moment. Et si ELLE est là, je me transforme en dactylo de notes sur les changements à introduire. C'est instructif et moi, je suis là pour ça.
Là, maintenant, je peux apprécier de dormir tout l'après-midi (ouch!) du samedi en écoutant la pluie tomber. Vivement la prochaine raclée.

Monday, November 20, 2006

California dreamin'


Il y avait
Il y avait un chien, un couple
Et ma peau sur le sable
Il y avait
Un courant d'air dans ma tête
J'étais libre!

Oubliés

Oui, des Arabes et des Musulmans ont aussi fait partie des victimes du régime nazi. Un livre est récemment sorti en Allemagne sur ce sujet. On parle d'au moins un millier de victimes, incarcérées, affamées et torturées puis oubliées: des Nord-Africains, des Turcs, des conjoints de citoyens européens, des résistants du côté français, des juifs sépharades... Un sujet à creuser.

Cicatrizage forcé

J'aime la Bosnie. Je voudrais y retourner dès que je peux. J'ai été émue par cet article sur Srebrenica, où Serbes et musulmans ont sué ensemble, sur un terrain de foot.
Je retiens cette phrase, universelle et drôle comme je les aime: “Il y a des connards partout, ici on n’en manque pas non plus".

(R)Evolution

Moi, je dis qu'il faut célébrer ça: un vrai portail pour la TVM (oops!) la SNRT pardon, avec tout ce qu'il faut: des présentations de toutes les chaînes, les grilles des programmes, des vidéos des JT, un espace RH, le tout joliment et clairement présenté. Bientôt, on pourrait oser espérer des news potables. Peut-être.

Saturday, November 18, 2006

20 ans

Ma joie d'avoir D. au bout du fil a été ternie par une horrible nouvelle. Je ne comprenais rien, sa voix, ses sanglots. J'entendais juste un prénom, à répétition. On a retrouvé M. mort. "Il n'allait pas bien". Merde, merde. D. est totalement effondré. Tous nos souvenirs passent devant mes yeux, en kaléidoscope.
La plage. L'été. Douce routine. Je passe le matin, vers 10h. M. est sur la terrasse avec R., T. et O. M. est fier de me dire que c'est son 17ème joint de la matinée. Je le gronde, il en rit, les yeux rouges, le sourire du gosse qu'il est. 14 ans à l'époque. Ca ne sert à rien. Et tous les jours, c'est un jour sans fin.
Un jour, sa mère "découvre" son accoutumance à la drogue. Elle l'envoie illico presto à un lycée militaire à Metz. Mais l'été venu, il revient. Et ses anciennes habitudes aussi.
Squelettique, pas bien dans sa peau, à l'extérieur, il faisait ado quoi. Mais le problème justement est qu'on ne sait jamais si les symptômes peuvent conduire à quelque chose de plus grave, d'irrémédiable. Merde, ça aurait pu être mon petit frère. Il n'avait à se plaindre de rien. En surface du moins.
Son corps va être rapatrié. J'espère qu'il trouvera la paix. Sur son profil Hi5, sa photo est une couverture d'un calendrier de Ben Harper avec, comme titre: "Positive Vibrations".

Wednesday, November 15, 2006

Cerise

Journée affreusement pleine. Les pieds en compote, le dos en ratatouille, le cerveau en purée de nouilles. Mais comme il y a une justice dans ce monde, miss Gmail m'a apportée une superbe nouvelle: "Banlieue Blues", notre bébé à moi et à Emily Taguchi, tourné en mars dans les banlieues françaises, sera projeté au festival MixCités le 17 décembre prochain, à Paris. Ca a pas été facile: emprunter les sous, braver les mecs dans les banlieues, éviter les jets de briques, les bouteilles en verre, les insultes, marcher et marcher et remarcher à Clichy-Sous-Bois, jouer aux dures, jouer la comédie pour qu'ils voient pas qu'Emily a deux mots en français dans son vocabulaire, monter le tout, acquérir les droits pour les archives, etc. Mais ça en vaut la peine, finalement.
Dans la foulée, merci Lahsen.

Monday, November 13, 2006

Sueño de Otoño

Je ne me souviens plus si c'était un rêve. Peut-être pas. Il faisait chaud, très chaud. Je m'étais enfermée dans la voiture pour ne pas me laisser pénétrer par la clameur de Jamaâ Lafna. La clim à fond. Je déteste la clim. Les pieds sur le volant. L'oeil parano. Je fixe les petits stands de jus d'orange. Un jus d'orange bien frais, parfait, c'est ce qu'il faut en cette chaleur. Les autres sont à la mosquée. Pas moi. Moi, je regarde les gars qui coupent leurs oranges puis les pressent. Pourquoi j'ai l'impression que c'est moi qu'on écrase? Je veux du jus d'orange, avec un peu d'eau de fleur d'oranger, tiens, du jus frais, mais pas trop, que je puisse le sentir dans mon gosier, que mon palais s'en délecte. Mais c'est trop loin. C'est trop dangereux. Huit ou dix pas me séparent du paradis gustatif. Trop loin. J'envoie un énième SMS. Je suis seule dans une bulle de verre. Je rôtis dans ma solitude. On me regarde comme une bête de foire. Comme une folle. On frôle la voiture. Je fronce les sourcils. Je regarde mes orteils. J'ai très chaud. Et soif.
Je regarde dans le rétroviseur. Il s'approche nonchalemment. Il tient quelque chose que je n'arrive pas à distinguer. Il a les cheveux longs, repoussants. Je détourne le regard. Il est à un centimètre de ma vitre. Je suis forcée de regarder. Il a un poussin dans les mains. Un tout petit, encore plus petit que la moyenne de petitesse des poussins. Il a les mains autour du poussin, comme une coque qui s'entrouvre à peine. Le poussin est jaune et je n'aime pas le jaune d'habitude. Cette fois-ci, oui. Il a l'air doux. Il ne peut être que doux. Il fait presque nuit et j'ai du duvet pâle plein les yeux. J'ai chaud malgré la clim. Il s'est éloigné dans la foule et j'ai éteint la clim.

Friday, November 10, 2006

Sous le soleil...

Du tourisme en...Irak! Eh oui, selon The Guardian, il y a des gens qui choisissent d'y passer leurs vacances. Vous adorez l'archéologie, avez toujours rêvé de voir le croisement du Tigre et de l'Euphrate, vous voulez visiter Chatt Al Arab, vous fantasmez sur les GI en tournée. Prenez un aller simple, car les TO ne peuvent pas vous garantir un séjour en toute sécurité.
Ce monde est devenu d'un acid-rock...

Thursday, November 09, 2006

La situation empire de jour en jour...

Keith Muhammad

Et de un. Enfin, un musulman américain rentre à la Chambre des Représentants américaine. Son nom est Keith Ellison. Il a 43 ans et s'est converti à l'Islam à l'âge de 19 ans. Pas trop tôt pour les au moins 7 millions de musulmans américains.
Je prédis personnellement à Keith Ellison de longues heures d'interrogatoire par ses pairs, à se justifier, répondre au pourquoi du comment, l'Islam, le terrorisme, la violence, les droits des femmes, etc etc etc.
Les élections, on le sait, ont été remportées par les démocrates. Elles ont aussi poussé Rumsfeld par la petite porte. (koune ghir dditi m3ak Chenney a khouya!)

Monday, November 06, 2006

Photo: DR

Lu, dans TelQuel de cette semaine:

Lalla Salma enceinte. Circulez, y a rien à voir

“Mohammed VI et Lalla Salma, son épouse, attendent un deuxième enfant pour l’hiver. Une heureuse nouvelle pour Moulay El Hassan, 3 ans et demi”. 24 mots au total. Voilà ce que Paris Match a consacré à cet authentique scoop, dûment confirmé, on l’imagine, à un journaliste parisien par ses amis du Palais royal. Quant à nous autres locaux, cela fait 3 mois que nous nous torturons l’esprit pour savoir s’il faut publier ce secret de polichinelle, passible d’un procès de droit divin. Ce bambin, à qui nous souhaitons bonne gestation et longue vie, sera pourtant placé, dès sa naissance, sur une liste de succession au poste de roi du Maroc. Apparemment, ça ne regarde pas les Marocains.

Sunday, November 05, 2006

Offline

Pour ta première leçon, tu t'es muni d'un petit bloc-notes et tu t'es assis très sérieusement à côté de moi, un stylo à la main, tes petites lunettes au bout de ton nez. Je dois t'expliquer afin que tu puisses te débrouiller quand je ne suis pas là, car je ne suis jamais là et tu dois pouvoir lire des articles, faire de la recherche et leur parler, avec la webcam. Il faut que je te montre comment te connecter, réduire une fenêtre, l'aggrandir, chatter, utiliser le micro, faire un point d'interrogation, chercher les sites de journaux. C'est Le Monde que tu veux voir en premier, un article sur Hillary Clinton. Puis Libé puis je m'aperçois que ça sera difficile de t'accoutumer à lire sur un écran.
On passe à autre chose, je te présente à monsieur Google, que tu ne connaissais que par le nom que tu lis dans tous les journaux. Tu ne te rends pas compte de suite de l'immensité de la chose. On essaie de chercher un truc sur la politique marocaine, puis j'ai une idée. Je google ton collège d'enfance. Tu es ébahi par tous les résultats, les photos, des gueules que tu ne connais pas. Je t'entraîne sur le site copainsdavant. Je sens ton excitation à l'idée de retrouver potentiellement d'anciens camarades d'internat, du réfectoire, des cours avec le sévère père Jean, de fêtes de Noël, des bouilles de photos en noir et blanc d'écoliers soignés devenus des vieillards ventrus. "Beaucoup doivent être morts maintenant". Tu me le dis et je n'ai rien à répondre. Tu sais parfaitement que ce n'est pas une question d'âge. La connexion signée Maroc Telecom nous a gratifiés de suspense quant au résultat de notre recherche. Je te lis des noms, tu t'arrêtes, répètes après moi, reconnais un nom ou deux, peut-être un troisième, regardes des photos d'avocats ou d'hommes d'affaires avec leurs bourgeoises fiers d'exposer "ce qu'ils sont devenus". Je réduis la fenêtre, google un nom que tu me sors. Qu'est-il devenu? Où est-il? Que fait-il? Tu sais qu'il est dans la finance. Je me demande quels 400 coups vous avez fait, combien de cigarettes grillées en douce, où vous traîniez les jours de "permission". Je te demanderai un jour. En attendant, tu notes sur ton carnet "cliquer sur X rouge pour fermer fenêtre".

Friday, November 03, 2006

Langage de sourds

J'ai disparu dans une tornade de choses. On m'en veut. Je sais que vous vous en foutez. Warda aussi s'en fout, que je soie fatiguée, que mes chaussures soient fatiguées de mes pieds, que ma tête me fasse mal. Elle s'en fout que j'aie reçu un coup de téléphone indélébile, si proche et si lointain, un coup de téléphone de ceux qui viennent avec des effets musicaux terribles: "Najlae, tu as peur", "Najlae, tu es émue", "Najlae, tu trouves plus de mots". Warda en a rien à battre que je veuille des journées de 48 h, ou que je ne connaisse pas les prix du grand taxi. Je suis serrée entre elle et un policier qui ne veut pas payer tout le prix de la course, mais ça ne fait rien. Le chauffeur lui sourit, un p'tit sourire misérable et indulgent, en lui disant que ça sera pour une prochaine fois. Rachid Ninni l'a dit, lui, dans un passage qui sonnait vrai, entre plusieurs qui sonnaient faux, trop populo et pas assez informatifs, que c'était assez amusant de voir des flics faire de l'auto-stop. Deux flics auraient été démis de leurs fonctions parce que chaque jour, après leur service, ils allaient presque demander l'aumône en jouant des morceaux de musique berbère dans les cafés. Devrait-on leur en vouloir avec les salaires qu'ils se tapent? La tadwira sonne mieux dans nos têtes? Pendant que je philosophe sur les contraintes sociales, Warda, qui n'en a cure, plonge sur quelque chose de plus important, de capital. Elle ressasse les noms des différents modèles d'aspirateurs qu'elle sera appelée à vendre. Une commerciale redoutable. Elle a trouvé une technique infaillible: attacher chaque nom à une partie du corps: Tetra comme tête, Manea comme main, Oleta comme Oreille. Lequel n'a pas de sac? Lequel utilise des filtres? Je l'écoute religieusement. Mais elle s'en fout. Elle ne veut pas entendre qu'il y a des hommes d'un certain âge et d'un certain statut qui jouent aux cartes dans le train le matin. Et pourtant, c'est rigolo. Ce qui serait moins rigolo est de lui parler de cette coiffure de mariage qui coûte 14000 dh. Je ne lui dirai rien. Mais au moins, je pourrais lui raconter comme je te sens si proche et en même temps si inaccessible. Et combien j'en souffre. Mais on est déjà à la place Mohamed V. Warda est descendue.