Thursday, April 09, 2009

Le génocide des mimosas

On revenait de la pause-déj en "restau d'entreprise". Il était environ 1415. Soleil de plomb. Trop de soude dans l'estomac et aucune envie de digérer à courir après les "personnages principaux". Toujours est-il. Arrivés au bout de la rue de "l'endroit", la foule saute aux yeux. C'est un incendie, je dis. Non, une bagarre, il dit. Sûrement un accident, lance l'autre. L'autre a souvent raison. C'était hélas le cas cette fois encore. Impossible de traverser la foule compacte en voiture. On descend. Dans ma curiosité parfois inutile, je me fraie un chemin entre ados boutonneux et adultes hystériques. L'accident: 6 jeunes dans une bagnole de location. Deux garçons à l'avant, quatre filles derrière. Le conducteur -en état d'ébriété nous a-t-on dit- roulait bien trop vite (120 nous a-t-on assuré). Il a voulu doubler à droite et n'avait pas prévu une semi-remorque garée en face. La voiture a fini sous le camion. Je répète: SOUS.
Sur le coup, une fille est morte. Je revois ses cheveux qui pendaient. Et sa main tendue à je ne sais quoi. Elle est restée coincée dans la voiture. Les pompiers ont du scier la tôle pour la faire sortir.
Les autres passagers ont été évacués par les témoins de l'accident. Tous saignaient. Le garçon du siège passager avait la veine jugulaire coupée. Il est mort quelque temps après, suivi par une seconde fille puis la troisième. Miracle: l'ambulance n'a pas mis cinq minutes à arriver. Le secteur a été quadrillé en un temps record. Les curieux augmentaient à la seconde. J'ai toujours cette impression que les Marocains sont avides de sang.
Que foutaient 4 filles (adolescentes) à l'arrière de cette voiture de location? Où allaient-elles? Qui étaient-elles? Dix milliards de questions fourmillaient dans ma tête alors que je regardais le bain de sang s'écouler dans le caniveau. Mon cameraman est anté par les images de la cervelle de la dernière fille que je n'ai pas pu subir.
Les gars de la protection civile ont longtemps fait couler l'eau pour faire disparaître les traces de sang. Notre OPS a dit: "c'est pour éviter que des femmes récupèrent le sang pour de la magie noire". Ma nausée n'a pas disparu depuis. La route tue. Des êtres dans la fleur de l'âge. Et des fleurs tout court.
Un jour, ils ont érigé une tente caïdale sur les abords de la ceinture verte de Rabat. C'était pour l'inauguration de la "troisième voie". Celle de l'autoroute s'entend. Ô joie. Quelqu'un s'est rendu compte que deux lanes de Rabat à Casa équivalait en heure de pointe, c'est-à-dire tout le temps, à une crise de nerfs automatique pour les navettistes. Ils ont choisi l'extension de la route par le milieu. Des hommes ont brisé les branches, énergétiquement. Des femmes les récupéraient parois, sûrement pour le chauffage. Maintenant, les trax ratissent les leurs par brassées tous les jours.
Si impatiente que je suis de voir la route s'élargir, je suis attristée par la vue de ces tonnes de mimosas fauchés -si j'ose dire- pour une carrière de fumier. Sur ma route solitaire désormais, un océan de béton et juste des souvenirs de mimosas.

3 comments:

kb said...

J’adore quand tu joues avec tendresse de parallèles picturaux. Des jeunes filles au teint de rose cueillies à la fleur de l’âge. Des mimosas fauchés pour agrandir la grande tueuse…
T’as d’la prose la rose :))…ça remue au plus profond mon écorce de vieux chêne…liège, histoire de faire bouchon à la sortie de skhirate pour t’arracher un dernier regard
Et je rêve d’effeuiller la marguerite….

kb...sur la "pool lane"

Najlae said...

KB> je suis dans l'incapacité chronique de te répondre :) mais je te fais un bouquet de kisses
xxooxx

Najlae said...

au fait faites pas gaffe aux milliers de faute,j'en avais marre de taper avec un clavier moribond