Wednesday, December 06, 2006

P.N. 250

Nous avons entendu un bruit semblable à celui de pierres jetées contre les roues, sous le train de 9h00 ce matin. Nous étions entre Mohammédia et Aïn Sbaâ, zone bâtarde, semi-urbaine mais si campagnarde. Des vaches. Des écoliers en bottes de caoutchouc bleues. Un soleil timide. Des restes de brouillard. L'odeur de Nescafé dans le wagon. Des petites maisons. De grosses paraboles. Le train s'est arrêté. Une minute, puis deux. Puis cinq. Puis les gens se sont levés pour voir ailleurs s'ils y sont. "Un mec s'est suicidé", a lancé un bonhomme aux yeux bleus. Le bruit, c'était ses os broyés. Le temps que le train s'arrête, ce qui restait du corps était déjà à 700 mètres derrière. Il fallait que les contrôleurs y retournent. Il fallait qu'on applique la procédure, que quelqu'un reste à côté. Les minutes passaient, les personnalités des passagers se sont révélées. Il y a l'empathique, le pragmatique, l'analyste. "Ah mais le suicide est devenu si courant de nos jours". "Le pauvre...la misère pousse à tout de nos jours". Il y avait le spécialiste: "certains conducteurs de train ont a leur actif des douzaines de morts de cette façon".
Mon voisin se décida après un moment à retirer les écouteurs de son i-pod. "Qu'est ce qui se passe?" -"Un gars s'est jeté au devant du train". -"Ah."
Certains ont fumé leur cigarette à l'extérieur. Je n'arrive plus à poursuivre ma lecture d'une délicieuse interview de Gad El maleh et d'Audrey Tautou. J'ai la chair de poule. Qui est ce type? Pourquoi aujourd'hui? Pourquoi ce train? Pourquoi le train? Où a-t-il passé la nuit? Avait-il faim? A-t-il tripoté les seins de sa cousine lorsqu'ils étaient petits? Qui va le reconnaître? Et quand? Et comment? Est-ce que quelqu'un va le pleurer?
Le train redémarre. Nous sommes très en retard. On laisse un contrôleur derrière, qui n'a pas demandé à être là.

“The light at the end of the tunnel is just the light of an oncoming train.” Robert Lowell

10 comments:

Anonymous said...

Ceci dit, lire "Premiere" alors qu'un ecorche vif se suicide..quel manque de gout Najlae :)

Najlae said...

Onassis> mais je lisais avant! et puis,le manque de goût,c'est relatif,hein?
Tu ne t'excuses plus de ne pas être sur un clavier à accents! Hein! :)))

Anonymous said...

Parce que je sais que tu sais que je ne suis pas sur un clavier a accents...

Najlae said...

Oui mais même si tu sais que je sais que tu es sur un clavier qwerty,ça ne m'empêche pas de te taquiner dessus. Et dans ce cas,c'est le keyboard qui est l'écorché de service.

Anonymous said...

Taquineuse de service, va :)

Anonymous said...

Ca me rappel qu'il y'a 2 ans un étudiant en médecin militaire ct sucidé de la mm manière... Pk le suicide?

laseine said...

[Les minutes passaient, les personnalités se révélaient. Il y avait l'empathique, le pragmatique, l'analyste. Il y avait ... le spécialiste.
Mon voisin se décida après un moment à retirer les écouteurs de son i-pod : "Qu'est ce qui se passe ?" "- Un gars s'est jeté au devant du train."
"- Ah."
J'ai la chair de poule. Qui est ce type ? Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi ce train ? Pourquoi le train ? Où a-t-il passé la nuit ? Avait-il faim ? A-t-il tripoté les seins de sa cousine lorsqu'ils étaient petits ?]

C'est le genre de note... Je pourrais la lire et oublier ce que j'ai lu. Je pourrais ne pas la lire et me rappeler ce que je n'ai pas lu.
C'est une note qui me donne l'impression de regarder les autres par delà mon journal : une femme qui s'adresse avec une affection toute familiale à son toutou, un général qui dévore son sandwich comme un affamé -les généraux aussi connaissent la faim... une jeune fille qui tripote, non pas la quequette de son cousin mais sa frange ... et la passe sur son front pour tromper l'ennui de l'attente ... une belle journaliste fraîchement rentrée au pays, qui referme son magazine -Première, pour prendre des notes à propos de l'homme absorbé par la grille des mots croisés en face d'elle.
Je me regarde, et je découvre que je ne pense à rien, que je n'attends personne, que je ne ressens ni vide ni plein ni ennui.
Je me cherche et ne trouve aucune trace de moi ... ni autour de moi ni en moi. Pas même mon souvenir ! ni ma nostalgie ! ni la nature de la force d'attraction qui arrache un être à son être ...
serai-je guéri du souvenir et du regret ?
"i eat fast. i never sleep properly. i dream theory and practice. i hunt on the internet. i shape ride on the internet. i speak here and do not speak elsewhere. speech is a privilege. i cannot pronounce other languages in proper order. i cannot pronounce the rudiments of speech. i breath fast. i get out of breath fast. death promises slowing. death does not halt. i watch myself as i speak. i watch myself as i remember. i remember remembering. i remember what i have forgotten. i watch my brain at work. i remember watching. i know what i forget will be my last. i know if i forgot i should be reminded to die. i am afraid of being reminded to die. life is a remission. life is under remission. i cannot keep up with myself. i watch myself ahead of myself. i am never behind. i am always ahead."
Moi qui ne connais l'amour que quand j'aime, je ne veux plus savoir ce que c'est ... je ne veux plus chercher ... moi qui n'aime que quand je crois aimer ... comme quand je vois un bras faisant adieu et que je saute par la fenêtre du train, croyant que cela ne m'était adressé ... comme quand je revois la jeune journaliste attendant quelqu'un à l'entrée d'un cinéma, et que je me prends pour ce quelqu'un, et que je m'installe sur le siège à côté d'elle et que je nous vois tous les deux sur l'écran dans une scène des plus sentimentales ... Alors... que le film se termine par un happyend ou pas m'importe peu... car je la cherche au delà de la fin ... depuis qu'on s'est quitté à Montreuil.

Lato sensu said...

:)

Loula la nomade said...

NajNaj,

Ainsi va la mort et le choix que posent certains d'entre nous.

Anonymous said...

arretez de vous entre-écorcher
Moi je me rappelle une fois dans le train, entre Rabat et Kénitra, qui est passé sur un cheval!!!!!! On a failli dérailler d'ailleurs