Thursday, June 07, 2007

Bac: le tamis

Ce matin, dans la voiture, les informations sur Medi1 me rappellent qu'aujourd'hui, c'était le début des épreuves du bac pour 300.000 Marocains. Le journaliste soulignait que nous avions beaucoup moins de candidats qu'en Algérie et proportionnellement moins qu'en Tunisie. "Nous sommes tellement à la traîne", a lancé, avec dépit, mon analyste préféré.
Le bac...J'ai eu le coeur serré un moment, pas par nostalgie, mais par solidarité avec ces milliers de jeunes qui allaient suer de l'encre aujourd'hui. Qui sont-ils? Ont-ils peur? Sont-ils stressés? Vont-ils tricher? Est-ce que c'est important pour eux? Que vont-ils faire s'ils l'ont? Combien d'entre eux soutiennent mordicus que leur avenir est ailleurs, de l'autre côté de la mer, ou de l'océan? Combien sont complètement paumés? Combien pleurent à l'idée de pourrir en fac? Combien vont être forcés de partir dans une direction ou une autre? Combien vont saigner leurs familles à blanc pour s'inscrire en école privée? Sur combien d'entre eux va-t-on pouvoir compter?
En 98, je ne me posais pas tellement de questions. C'était le bac, mais une année comme les autres, question coefficients. Les cours étaient franchement faciles, il n'y avait pas de (mal)chance de rater quoi que ce soit.
En 98, tout ce que je savais, c'était que je voulais faire une école de cinéma.
En 98, le bac était le SMIG culturel, comme on disait. Une formalité de passage. Un tampon "accepted" dans l'hémisphère des adultes, un affranchissement du status de gosse de lycée.
En 98, je m'enfermais dans ma chambre pendant des heures, simulant l'attitude studieuse. Je mettais la TV en mode mute. Je suivais avidement la Coupe du Monde, je n'arrivais à me concentrer sur rien. Mes yeux étaient fixés sur les Azzurri dans leurs lycras bleus moulants. Vieri, Inzaghi, Toldo, Baggio, Del Piero. Ces demi-dieux m'offraient une sorte de best-of du calcio. Quelle déception que leur élimination!
C'étaient les derniers jours de Madé. Elle allait mal. Elle baissait les bras. Elle avait glissé, dans la salle de bain je crois. S'était cassée le fémur. Le docteur a dit que c'était trop dangereux de l'opérer. Ca l'a tuée lentement, d'être clouée au lit. Elle perdait la tête, la notion du temps. Elle m'appelait, me confondait avec Béa, me demandait de l'aider à mettre ses sandales. Comment lui expliquer que non, personne ne passe la prendre pour aller pique-niquer; que P.G. est mort, il y a longtemps. Les autres aussi. L'impuissance. J'étais la jeunesse impuissante. Impuissante à pleurer.
C'était sûrement l'épreuve la plus mémorable du bac. Je garde mon brouillon des épreuves de philo et de français. Le reste est dans le tiroir des souvenirs incolores, inodores et indolores. Et c'est tant mieux. Bonne chance, les SMIGards, d'ici et d'ailleurs.

9 comments:

Anonymous said...

super!

SABA said...

Wayeeeh!! ca fait peur de compter les années qui sont passées depuis le bac.. bientot 8 ans mnt pr moi aussi!! Ca passe vite... Daba je comprends cette phrase clé que tous les 'grands' de ma famille murmuraient en hochant la tete lentement quand ils réalisaient que l'un de nous (la troisième génération) allait passer son bac bientot... (daba ils le disent de plus en plus puisque cette même génération se marie ou donne naissance à des enfants...leurs petits enfants à ces grands, qui deviennent vieux..)

J'imagine qu'à notre 'époque', les frustrations, le désespoir et les peurs étaient moindres que pr le bac de mnt, oula c juste une impression?

Onassis said...

Ton texte est beau...

Najlae said...

J, did i just hear a compliment? ton jugement est altéré ou quoi? :)
et ton bac à toi?

saba, wllah je ne sais pas si elles étaient moindres. Elles étaient là en tous cas.

Onassis, mirci msieu.

Anonymous said...

que je sois avare en compliment ne veut pas dire que je le pense moins:)ton texte est comme l'a dit onassis TRES beau!
mon bac? je me souviens d'un lycée où on était la première promotion, je me souviens de ne pas réaliser que cette année se jouait tout l'avenir, je me souviens d'être tombée amoureuse et d'avoir perdu le nord, je ne me souviens pas de la période de prépa (exista-t-elle?), je me souviens du jour des résultats, bons mais insuffisants.

Najlae said...

J, eh ho, vas y molo, chuipas habituée,venant de toi :))
ouais,prépa inexistante.je me souviens que yasmina bossait les probas avec moi, mais bon :)
ta perdu le nord? wa lui aussi plus tard :) Allah 3fa 3lih mes les suicides dans l'Atlantique :))

KawKaw said...

beautiful :)

Space Cowboy said...

:'( >>> :)

Najlae said...

sun li> ntiya lli beautiful al fniwna diali :)

Cowboy bebop> :-I >>> :-D