Parmi mes pouvoirs extra-lucides, je possède celui de recevoir la tristesse des autres; paf, comme ça. Suffit d'un eye-contact, de seulement une seconde pour que toute la tristesse d'une personne soit injectée dans mes veines. Pas pratique tout ça. Surtout dans mon boulot.
18h27, la semaine dernière, au resto Le Tajine, Jones St, San Fran.
Extérieur coucher de soleil. Couleurs pastel. Trois ou quatre taxis jaunes, un rouge. Bruits de ville.
Intérieur: cozy, crowded. La porte n'arrête pas son ballet. Entrent des dizaines de visages. Je dis des visages parce que c'est ce que je vois: des yeux et des bouches.
Les yeux sont presque tous tristes. Faut-il mettre ça sur le compte de la faim?
J'ai fini par créer deux catégories de Marocains dans ma tête: ceux qui ont vécu lghorba et ceux qui ne l'ont pas vécue.
Toujours est-il...Les Marocains que j'ai souvent croisés dans Tajine, ou ailleurs, ont ce bittersweetness dans les yeux. Moins bitter que les Algériens (théorie personnelle, subjective), mais triste quand-même.
On a invité Y. à notre table, les autres étant prises. Il a la quarantaine bien entamée, la cravatte rigolotte, l'air d'un Whitie. Il vit ici depuis 25 ans, gagne bien sa vie. On papote. On finit par partager les mille et une anecdotes du Maroc qui ne nous manque pas, celui de la corruption, de la misère, des handicaps administratifs. Entre deux dattes, on évoque les gueules hospitalières des barbouzes de l'aéroport. On fait passer les frustrations du dernier séjour avec une gorgée de thé à la menthe. On rajoute une nouvelle raison à laquelle on n'avait pas pensé avant à notre liste de "quand je serai grand, je veux avoir un passeport bleu". Des dizaines d'histoires qu'on a entendu mille fois et qu'on entendra encore. Maintenant, le retour sera-t-il le plus fort? Réponse personnelle dans 7 mois.
Tuesday, November 01, 2005
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