Tuesday, November 22, 2005

Ausencia






La solitude est un vilain défaut. Son absence à elle, à eux, à lui, à toi "d'avant", lorsque les choses étaient simples et les sentiments pas compliqués. Tu y penses chaque fois que tu coupes ton morceau de gouda, sur la planche en bois aux milles rayures. Parfois, même si tu n'as pas besoin de faire un effort pour couper le fromage, tu plonges la lame bien profond dans la bois, une rayure pour chacune de tes rides, une rayure pour chacune de tes blessures.
Tu as rendez-vous avec ta mémoire. Elle ne prend rien, merci. Tu la regardes en face en mastiquant ton bout de pain trop dur. Le pain de ta mère te brûlait les mains et t'apaisait le coeur. Sensations simples. Sensations révolues.
Tu parlerais bien tout seul, mais tu n’es pas fou.
Tu aimes bien ta solitude, alors pourquoi t’en défaire?
Tu laisses même une araignée tisser sa toile derrière la porte du cabinet de toilettes, elle aussi a sa solitude. Toi aussi tu t’enfermes peu à peu dans tes fils gris.
Tu commences à bien aimer l’odeur de tabac froid dans ta maison. Les coupures de journaux de poèmes que tu es arrivé à publier sont jaunies, mais tu as existé, un jour.
Tu en éteins une autre. Qu’est ce qui peut rallumer la flamme?
C’était hier, les courses dans les champs, les olives cueillies, les nuits dans la grotte, sur la plage. C’était hier, le corps d’athlète, les chikhates, là-bas où le soleil se couche tard et où la nuit ne finit jamais. C’était hier, les cheveux avaient une odeur et le vin du goût.


Tu ne le sais pas, mais tu te manques.

6 comments:

Anonymous said...

Pour peu j’ai failli écrire : j’ai beaucoup aimé ton billet Najlae. Mais je me suis dit devant ce récit poignant pudique et magnifiquement expressif , les mots, les phrases, les paragraphes s’effacent. Ils laissent place à la méditation et …. au recueillement si j’ose dire.

Qu’est ce qui peut rallumer la flamme? Ah la question !

Des fois et des fois seulement je m’autorise à penser : était-elle allumée un jour ? L’odeur le goût connais pas où je faisais (je fais) semblant de connaître.

Au grand désarrois, petite consolation : Votre histoire à vous deux appartient peut être au passé, mais elle a le mérite d’exister Elle a existé et d’une certaine façon elle existe encore.

Vous ne le savez pas peut être mais beaucoup d’autres n’ont pas eu cette chance. Pas toujours par choix.

Salut l’artiste.

Anonymous said...

Je ne sais jamais de qui tu parles, à part cette araignée qui tisse sa toile( ce doit être mes toilettes, j'en avais une il fut un temps), ais je raconter ça un jour? Même ça je n'en suis pas sûr) le reste doit concerner d'autres sans doute.....

laseine said...

La flamme dis-tu Najla'e ... la flamme ...
Le feu ça crée !

"Sensations simples. Sensations révolues."
"Les cheveux avaient une odeur et le vin du goût."

Magnifique texte.

Dans le métro, plongé pour la n ième fois dans "un Homme qui dort". Elle assise en face lisait "L'Homme qui souriait en dormant". Station Ménilmontant, c'est là que je descend. Elle se lève et me sourit. Peut-être dormais-je ?

Le feu ça crée !

Loula la nomade said...

Beau morceau de musique, belle voix. Cela me rappelle les soirées passées à écouter la radio de Radio Canada et l'émission Embarquement pour Cythère.
Mwah

Najlae said...

Larbi> seulement les yeux pudiques et sensibles peuvent voir en ce texte du poignant et du pudique..

Bien lire en derniere phrase "TU TE manques" et non pas "tu ME manques". Il ne s'agit que d'une seule personne face a son passe et a son present.

laseine> peut-etre ne dormais-tu pas :) le feu cree mais peut-on le creer?

Loula> Caetano Veloso,maitre bresilien,bande son de "Hable con ella" d'Almodovar. CHanson exquise.

Amine said...

Najlae, refresh the page...la bande son C désormais Ausencia, de Dame Cesaria Evora :-)